Cahier critique 30/12/2016

"Tram" de Michaela Pavlátová

En voiture avec la plus sexy des conductrices ! Une animation sensuelle, drôle et colorée, plébiscitée dans une kyrielle de festivals, recevant notamment le Cristal d’or à Annecy.

Couvert de récompenses partout où il passe, Tram de Michaela Pavlátová perpétue une tendance du cinéma d’animation à travers laquelle les femmes s’emparent crânement de l’érotisme et des fantasmes de leur psyché – on se souvient de plusieurs fresques sensuelles de Florence Miailhe ou, plus lointainement, d’Asparagus de l’Américaine Suzan Pitt (1978). Tram s’inscrira d’ailleurs dans une collection en plein développement, intitulée Sexpériences et qui réunira sur ce thème des réalisatrices de films d’animation de différentes nationalités.

Il est à espérer que toutes les contributions seront aussi inspirées que ce premier opus, qui décline le motif fantasmatique de manière ludique et joue du rythme de son montage et de sa bande musicale pour suggérer la croissante excitation des sens. Son héroïne est une conductrice de tramway aux formes felliniennes et au regard ingénu (ce qui n’est pas antinomique), à qui des pensées coquines viennent au fil d’un trajet où elle transporte une cargaison exclusivement masculine de costumes-cravates, dans une ville grisâtre évoquant l’ancien bloc de l’Est (la réalisatrice est née à Prague en 1961) et son austérité bureaucrate.

Le jeu sur les couleurs pour aborder les rivages de la séduction – le vermillon sur les lèvres, les roses des chairs et des sous-vêtements – et la nette symbolique sexuelle de l’univers ferroviaire (les manettes très phalliques, un bouton de contrôle clitoridien, le martèlement des tickets insérés dans la fente du compteur, les tressautements des rails, etc.) traduisent une montée progressive du désir qui ne manque pas d’humour, puisque des à-coups la perturbent – et l’exacerbent –, comme ce chaton sur la chaussée se pourléchant langoureusement l’entre-pattes... Heureusement, notre callipyge employée des transports urbains ne demeurera pas seule, une fois les sinistres fonctionnaires brejné- viens descendus de son train, un petit homme aux oreilles écarlates d’émoustillement restant dans les parages pour la rejoindre et, espère-t-on, la combler... “C’est Broadway !”, s’exclamaient les personnages de Reiser lorsqu’ils assouvissaient leurs désirs ; ça l’est effectivement dans le wagon, qui s’éclaire d’un aphrodisiaque fuchsia alors que retentit un air de swing libérateur.

Christophe Chauville

Article paru dans Bref n°104-105, 2012.

Réalisation et scénario : Michaela Pavlátová. Son : Daniel Memec, Mijos Krejcar. Monteur : Michal Bufil. Musique : Midi Lidi. Production : Sacrebleu Productions / Negativ Films.