Cahier critique 16/09/2020

“Tourments d’amour” de Caroline Jules

Sur une île au large de la Guadeloupe, deux sœurs, Myriam et Vanessa, s’apprêtent à passer quelques jours dans la maison familiale où plane encore le doux souvenir de leur grand-mère. Mais Vanessa ignore qu’un invité est attendu pour déjeuner et lorsqu’elle voit arriver leur père, cet homme froid et taiseux dont elle ne veut plus entendre parler, il est trop tard pour esquiver le face à face.

“Tourments d’amour” : le nom est celui de ces gâteaux guadeloupéens à base de pâte brisée, fourrés à la confiture et recouverts de génoise. La légende veut que l’appellation vienne des tourments d’une femme dont le mari partait souvent à la pêche. Une histoire d’amour et d’absence dont Caroline Jules s’empare dans ce moyen métrage en modifiant la relation conjugale par celle d’un père avec ses filles.  

À la mort de sa grand-mère, Myriam rentre en Guadeloupe et y retrouve sa sœur Vanessa et son beau-frère, qui ont également invité à son insu Gaby, le père des filles. Dans des paysages de carte postale, le paradis terrestre n’est pas toujours tranquille. Dans ce monde coloré, le calme règne, le vent frôle les larges feuilles des palmiers, on entend quelques bruissements, quelques signes de vie animale, et bien sûr les voix des protagonistes qui résonnent d’autant plus qu’ils ne parlent pas beaucoup. En effet, il n’est pas toujours besoin de mots. Le silence oscille entre la quiétude et la pesanteur, s’alourdissant à mesure que Gabi commet des impairs auprès de ses filles, en affichant un désintérêt déstabilisant et exaspérant. 

Dans la sobriété de la mise en scène, la peine prend toute sa place et déploie toute sa complexité. Souvenir, absence et rêve se mêlent au temps présent à travers des images de la grand-mère, des visions des filles enfants et des flashs- back. Ainsi le film s’empreint de nostalgie et d’espoir, d’amour et de regret. Myriam et Vanessa expriment à leur manière leurs sentiments mais rien ne brise la tension, pas même la parole libérée. Il y a des douleurs que les plus belles couleurs et les plus tendres douceurs n’effacent pas. Seul le départ du père permettra au calme de revenir. Pourtant, à travers des goûts partagés et une peine commune causée par la mort d’une grand-mère, le film nous rappelle combien les membres d’une famille sont intimement liés, et qu’à force d’efforts, il est peut-être possible de panser les plaies. 

Anne-Capucine Blot

Réalisation et scénario : Caroline Jules. Image : Stéphane Patii. Montage : Sophie Bousquet-Foures. Son : David Datil, Josephina Rodriguez et Thierry Delor. Musique originale : Laurent Ganem. Interprétation : Daniély Francisque, Stana Roumillac, Christophe Rangoly, Harry Baltus et Evelyne Bienville. Production : Sacrebleu Productions.