Cahier critique 12/09/2018

"Tombés du nid" de Loïc Espuche

Deux lascars et des canards pour un court plébiscité par le public du festival Premiers plans d’Angers 2016.

Une comédie tendre avec deux lascars en mode sauvetage animalier, et tout ça en animation. C’est le pari de Loïc Espuche avec ce film de fin d’études réalisé à l’école de la Poudrière de Bourg-lès-Valence. Il s’est inspiré de la véritable découverte estivale, avec un copain, d’une cane et de ses petits, dans la cité de la bande dessinée à Angoulême. C’est là qu’il a étudié auparavant à l’école des Métiers du Cinéma d’Animation (EMCA), où il a coréalisé Le zizi à Suzy et Je repasserai dans la semaine. De ce matériau réel est née une fiction. Le ton est donné dès le début. Ça tchatche et ça envoie entre Dimitri et Fabio, deux potes qui vont rejoindre au bar à chicha celle qui fait craquer le premier. Il en pince grave et veut l’épater pour la séduire. Le regard du réalisateur sur ses personnages est complice et amusé. Il transforme une scène de quotidien en cité en une échappée drolatique et poétique.

Dans le rapide et tordant Le zizi à Suzy, il filmait avec Xavier Sailliol un moment de drague enfantine, où une tierce gamine cafteuse semait la zizanie. Dans l’émouvant Je repasserai dans la semaine, il captait avec Alizée Cholat et Sophie Devautour l’amitié d’une paire de jeunes gars, rapprochés par la mort du grand-père de l’un d’eux. Point commun : un humanisme et une bienveillance, sans chichis, qu’on retrouve ici. Le copieux échange verbal initial laisse transpirer la loyauté du binôme et sa solidarité. Les jeux de langage rythment la narration et donnent du relief à l’objectif, qui devient une obsession : réunir la petite famille volatile. “Oh, mais tu sais c’que c’est de grandir sans maman ?!” s’énerve Fabio. “J’vais pas niquer mon polo pour des canetons !” s’offusque Dimitri. Action-réaction, entre burlesque et suspense.

Le graphisme simple, fin, garni de couleurs vives, apporte une énergie rafraîchissante. Fraîcheur qui domine, dans la spontanéité comme dans la construction. Espuche croque un monde et joue avec ses codes, celui d’un quartier de “téci” le long d’un fleuve, où les déclarations murales (“69 la trik”) se mêlent au lave-linge et cannette abandonnés. Une alchimie simple, singulière et efficace, qui a valu à l’aventure le Prix du public des films d’école européens au Festival Premiers Plans d’Angers en 2016. Et une alliance d’amitié tendrement virile, que le réalisateur devrait approfondir dans son prochain opus : Les nouveaux hommes.

Olivier Pélisson

Réalisation, scénario et image : Loïc Espuche. Animation : Loïc Espuche, Titouan Bordeau et Dorian Lee. Montage : Mélanie Braux. Son : Pierre Sauze. Musique originale : Adrien Fromenteil. Interprétation : Théo Costa-Marini et Noé Mercier. Production : La Poudrière.