Cahier critique 04/11/2020

“TGV” d’Émilie Noblet

Juillet. Les grands départs. TGV Paris-Brest. Alex fait ses premiers pas de chef de bord sur une grande ligne, encadrée par son collègue Antoine. Lors d’un contrôle, elle croise un passager qui la détourne de ses nouvelles fonctions.

Cela fait bien longtemps que les trains passent et repassent sur les écrans de cinéma. Depuis L’arrivée du train en gare de La Ciotat, les machines ferroviaires sont le théâtre privilégié de drames qui se jouent à huis clos. Dans son nouveau court métrage, TGV, Émilie Noblet explore à son tour cet univers mystérieux et fascinant. Le film s’ouvre sur un couple qui s’embrasse fougueusement sur un quai de gare. Ils ne semblent pas vouloir se quitter. Très vite, la caméra se tourne vers la rame pour faire découvrir aux spectateurs la chef de bord, qui semble bien gênée à l’idée d’interrompre le couple pour faire partir son train.

Alexandra (Laetitia Spigarelli) fait ses débuts à ce poste sur un Paris-Brest. Mais rien ne semble facile pour elle. Elle n’a pas les bons gestes, ne parle pas assez fort. Elle est un peu perdue. Face à Alexandra, il y a son collègue Antoine (Nicolas Maury), à la fois protecteur et intransigeant, et surtout cet énigmatique et magnétique passager de première classe (Matthieu Sampeur, déjà vu dans À propos d’Anna). Et cet environnement exigu favorise la proximité entre les personnages, qu’ils le veuillent ou non. De drôles de relations se nouent entre Alexandra et ces deux hommes ; de confidences en élans physiques, les rapports sont aussi éphémères que la durée du trajet, comme hors du temps et de l’espace, hors du réel, aussi. Car si le train est un lieu mystérieux, c’est aussi un lieu propice à tous les fantasmes. Les réaliser, pourquoi pas ? Mais attention à la réalité en embuscade. Émilie Noblet n’est pas toujours tendre avec son personnage.

Comme dans Trucs de gosses et À propos d’Anna (voir Bref n° 112), Émilie Noblet dresse ici un portrait de femme tout en douceur et en nuances. Alexandra parle peu, mais la réalisatrice capte tous ses mouvements, ses regards, ses joues qui rosissent. Une nouvelle fois, la jeune réalisatrice issue de La Fémis démontre ses qualités de metteuse en scène et de directrice d’acteurs. Comme dans À propos d’Anna, Émilie Noblet utilise la voix off pour offrir tout à coup à son personnage et aux spectateurs quelques secondes de vérité, les laissant tels les passagers du train, émus et le sourire aux lèvres.

Cécile Guthleben

Article paru dans Bref n°117, 2015. 

Réalisation : Émilie Noblet. Scénario : Thomas Pujol. Image : Noé Bach. Montage : Clément Carré. Son : Clément Badin, Niels Barletta et Anne Dupouy. Production : La Fémis et Filmakademie Bade-Wüttemberg.