Cahier critique 15/01/2020

“Sur un Air bnb” de Zazon Castro

Une comédie immobilière 2.0 !

Les candidats aux élections à la Mairie de Paris du printemps prochain devraient bien s’y pencher : la situation calamiteuse du logement dans la capitale semble ne plus finir d’inspirer les scénaristes de courts métrages. Sur un Air bnb poursuit ainsi une tendance qui commence à tracer comme une tradition, au fil de Paris Monopole d’Antonin Peretjatko (2009) et L’avenir est à nous de Benjamin Guillard (2016), tous deux disponibles actuellement sur Brefcinema, en passant par Le plus petit appartement de Paris d’Helena Villovitch (2014). Le phénomène des montants prohibitifs des locations – sans parler de l’achat inaccessible aux classes populaires et même moyennes, a fortiori les jeunes générations – prend une tournure délirante, faisant même perdre des habitants à la capitale, si bien qu’il vaut mieux rire de cette ubuesque anomalie.

Chaque Parisien a sans doute un exemple de petit malin sous-louant, que cela soit autorisé ou pas (plutôt “ou pas”, d’ailleurs…) à des touristes de passage via le sacro-saint principe du “air bnb”. Zazon Castro, qui est comédienne à l’origine, utilise le procédé comme moteur d’une comédie assez trépidante, où le postulat absurde d’abandonner pour de l’argent son chez-soi à des inconnus oblige à trouver une solution pour n’être pas dépourvu de toit, la nuit venue. C’est ce qu’expérimente à répétition la jeune Rita, bien nommée puisque sa sainte patronne est, comme on sait, celle des causes désespérées.

La constante et tonitruante drôlerie de cette comédie logiquement passée par les festivals de L’Alpe d’Huez et Meudon réside autant dans son inscription circonstancielle dans le Paris –schizophrénique – d’aujourd’hui que dans son impolitesse assumée. Le dialogue est souvent peu châtié, comme dans la “vraie vie”, et certains détails potaches se voient réappropriés sans faux semblant (jusqu’à une glissade de Rita sur une capote usagée quand elle rentre chez elle au petit matin). Surtout, l’abattage de Géraldine Martineau, recourant au besoin au cabotinage (voir sa maîtrise aléatoire de la langue de Shakespeare…), participe de la farce, remettant en lumière cette jeune comédienne découverte dans le court il y a une dizaine d’années (voir Aglaée de Rudi Rosenberg) et qui s’y distingue toujours, comme très récemment dans Boustifaille de Pierre Mazingarbe. Elle croise ici Blanche Gardin, M. Fraize et Olivier Broche, ancien des Deschiens, en autant de symboles de familles d’humour réunies autour d’une ironie d’observation inscrite au cœur de l’époque.

Et puisqu’il n’y a pas de hasard, la réalisatrice n’est autre que la fille de l’architecte Roland Castro, chargé en 2018 d’un rapport sur le projet du Grand Paris, qui ne se construira sans doute qu’en résolvant d’abord ceux du “petit”, toujours plongé dans son incurable folie immobilière.

Christophe Chauville

Réalisation et scénario : Zazon Castro. Image : Xavier Liberman. Montage : Olivia Chiché. Son : Jérôme Pougnant et
Sammy Nekib. Interprétation : Géraldine Martineau, Shane Woodward, Sabine Crossen, Blanche Gardin, Nader Boussandel, Marc Fraize, Sacha Bourdo et Olivier Broche. Production : Ten 2 Ten Films.