"Smart Monkey" de Nicolas Pawlowski et Winshluss
Carte blanche à Je suis bien content Productions
Une jungle immense abrite un petit coin de paradis peuplé de singes. Le mâle dominant, qui dispose sexuellement à volonté des femelles du clan, expulse du lieu un congénère qui pensait pouvoir en faire autant. Ainsi naît la fabuleuse épopée préhistorique de ce petit singe en exil, qui va compenser ses lacunes physiques par une débrouillardise réjouissante.
Smart Monkey est une adaptation de la bande dessinée homonyme de Vincent Paronnaud, alias Winshluss. Nicolas Pawlowski, après avoir été décorateur sur le film Il était une fois l’huile du comparse précité, assure ici une coréalisation au cordeau. Le duo imprime un rythme effréné dès l’entame du récit et s’inspire en cela des meilleures productions américaines de films d’animation. Du paléolithique à L’âge de glace, il n’y a qu’un pas : le personnage récurrent du tigre, aussi persévérant que stupide dans sa chasse au petit singe, rappelle furieusement les déboires de Scrat l’écureuil. Les deux subiront d’ailleurs le double supplice de la congélation/décongélation. Mais par un humour assurément plus acerbe, les réalisateurs de Smart Monkey nous rappellent que l’humanité ne s’est pas construite à coups de bons sentiments, mais par un éternel et violent rapport de forces.
Dans une remarquable séquence, triplement référencée à King Kong, au Voyage au centre de la terre et à L’Atlantide, les auteurs s’amusent à massacrer, via leur “gentil” petit héros profitant d’une position de force inédite, une communauté d’écrevisses dont le savoir et la sagesse semblent lui conférer un mode de vie en avance de quelques siècles sur la période de l’action du film. Si l’homme descendait bien du singe, le massacre de cette civilisation d’une intelligence supérieure par le petit primate n’annoncerait pas un futur engageant. Fort heureusement, la théorie de Darwin réfutée préserva l’humanité d’une telle aberration…
En noir et blanc jusqu’aux deux tiers de sa durée, le film bascule dans la couleur à l’occasion d’une ellipse temporelle. Au début du siècle, au temps des grandes expéditions africaines, Hubert l’explorateur aristocratique ressemble au petit singe et Monsieur Fauchard l’industriel au mâle alpha du clan originel. Les deux convoitent la même femme et le destin cédera une fois de plus à la loi du plus fort : en disparaissant dans la jungle – dévoré par le tigre revanchard enfin décongelé –, Hubert laisse la place à son brutal rival qui s’empresse de donner à Hermeline une descendance masculine, nombreuse et patibulaire. Grâce à son scénario en boucle imparable – qui révèle le chaînon manquant de la théorie des évolutionnistes –, Smart Monkey est un film d’animation ambitieux, hilarant et joyeusement cruel.
Fabrice Marquat
Article publié dans Bref n°118, 2015.
Réalisation : Nicolas Pawlowski et Winshluss. Scénario : Winshluss. Animation : Nils Robin, Clément Cornu, Lionel Marchand, Éléa Gobbe-Mevelec, Mathieu Chaptel, Ève Guastella et Nicolas Pawlowski. Montage : Stéphane Roche. Son : Denis Vautrin. Musique : Olivier Bernet. Interprétation : Yvan Delatour, Lucie Berelowitsch et Raphaël Lamarque. Production : Je suis bien content Productions.