Cahier critique 22/02/2022

“Retour à Toyama” de Atsushi Hirai

Takumi a quitté le Japon malgré la désapprobation de son père. Après une longue absence, il rentre à Toyama, sa ville natale, petit port en déclin de la côte nord du Japon.

Retour à Toyama s’ouvre sur une scène à la fois simple et bouleversante : un homme joue une chanson pop et triste au piano avant qu’un cut sur l’arrivée d’un train ne vienne brusquement mettre fin à la mélodie. On comprendra plus tard qu’il s’agit du père défunt de Takumi, le protagoniste du film. Ce dernier, parti en France sans l’aval de son géniteur, est désormais de retour dans sa ville natale, Toyama, située au nord du Japon.

Le plan inaugural, qui nous plonge d’office dans une forme de lenteur et d’immobilité, sera ensuite décliné à deux reprises. Dans la première, Takumi ôte la serviette qui recouvre le piano comme un linceul ensevelit un mort. La seconde fois, quelques notes de la mélopée initiale retentissent alors que le personnage, filmé de dos, contemple le soleil couchant. Une grande nostalgie se dégage de ces fragments préférant le silence de l’introspection à la lourdeur de dialogues explicatifs.

La mort du père est évoquée avec douceur et crudité tout à la fois, notamment lorsque la grand-mère de Takumi encourage son petit-fils à se rendre au cimetière tout en dépeçant un poisson avec violence. Son fantôme est doublé par celui du frère de Takumi, d’abord filmé comme une ombre fuyant dans la nuit. Si les deux jeunes hommes semblent éloignés au départ, ils se rapprocheront à la faveur d’un bref échange lors d’une baignade. Le film fait alors preuve de la même délicatesse dans l’évocation du conflit que dans celle d’une possible réconciliation. L’offrande d’une cigarette donne également lieu à un émouvant moment de partage entre père et fils, au-delà de la vie et de la mort, permettant au protagoniste de faire son deuil et de surmonter sa culpabilité.

Bien que centré sur Takumi, le film préfère les cadres larges aux gros plans : le personnage fait ainsi corps avec le territoire qu’il a fui et avec lequel il tente de renouer. De cet attachement aux racines témoignent également les diverses scènes de la vie quotidienne, du passage au sentō (ndlr : bain public japonais) à la séquence finale de gym en extérieur, où le cinéaste croque avec une belle simplicité les us et coutumes d’un pays. Si la mort du père, de même que la fermeture d’un cinéma, apparaissent comme le témoin douloureux des choses qui passent, les traditions offrent quant à elles un point de repère réconfortant. À l’image de cet ami que Takumi revoit après dix ans comme si rien ou presque n’avait changé, elles permettent des retrouvailles intactes et évidentes avec le réel quand tout, autour, semble s’effondrer.

Chloé Cavillier

Article paru dans Bref n°127, 2022. 

France, 2020, 24 minutes.
Réalisation et scénario : Atsushi Hirai. Image : Benoît Pain. Montage : Jehan Folqué. Son : Gen Takahashi, Agathe Poche et Simon Apostolou. Interprétation : Jumpei Tanaka, Hisakazu Hirai et Mayuko Hirai. Production : MLD Films.