Cahier critique 15/01/2020

"Repasse-moi" d’Ivan Rabbiosi

Ma planche à repasser bien aimée...

Comédie déjantée, Repasse-moi relate une histoire d’amour pas comme les autres. Dans un registre humoristique et sur un ton résolument absurde, Ivan Rabbiosi invente un personnage follement amoureux de… sa planche à repasser ! Ce film d’animation en 2D s’inscrit dans la même veine que Michel, série destinée à la jeunesse et produite par Folimage qu’Ivan Rabbiosi a coréalisée avant de se lancer en solo dans le court métrage. Son univers, marqué par un graphisme aisément identifiable, n’a rien perdu de sa drôlerie ni de sa posture assumée quant à la singularité de ses héros.

Pedro, revêtu de son survêtement vert favori, mène une vie exemplaire avec sa planche – à repasser, donc – qu’il emporte sous le bras partout avec lui. Dans le village, cette curieuse relation s’affiche comme un modèle que les habitants s’empressent de suivre et de commenter. Par l’intermédiaire de cet objet, à première vue tout à fait banal, le personnage principal devient une vedette locale, adulée et admirée par le voisinage. L’obsession pour un tel ustensile, qui prend corps d’une certaine manière, revient en motif omniprésent et se profile comme le fil rouge du récit. L’intrigue autour de cette idylle distille, au fur et à mesure, des éléments de décors succincts et l’intervention de nouveaux protagonistes.

Repasse-moi se distingue par sa construction sans dialogues. Il est comme réhaussé par une bande sonore riche en bruitages et onomatopées, où domine notamment la voix de Laurent Pasquier, acteur spécialisé dans le doublage qui avait déjà prêté sa voix à la série Michel. En renforçant les interactions entre les personnages, ces sons participent à accentuer les situations incongrues, en leur réservant rebondissements et retournements en tous genre.

L’absurdité dissimulée au cœur de scènes du quotidien deviennent familières à l’œil du spectateur, à tel point que la présence d’un crocodile de compagnie semble naturellement s’inscrire dans la normalité… On sent alors poindre toute l’expérience d’Ivan Rabbiosi dans l’écriture d’histoires pour enfants et sa volonté́ de rendre le récit accessible à chacun, tout en proposant plusieurs lectures. Usant d’un humour décalé et volontiers grotesque, le scénario se teinte de sarcasme. En ignorant les résolutions les plus évidentes pour en imaginer les plus loufoques, Ivan Rabbiosi ne cesse de travailler le comique de situation et (re)pousse les portes de l’humour noir.

Léa Drevon

Réalisation et scénario : Ivan Rabbiosi. Animation : Marilou Sarrat-Rouch, Maxime Nicolas et Victor Ferrier.
Compositing : Bruno Giraud. Son : Miroslav Pilon, Louis Molinas et Yoann Veyrat. Musique originale : Alexis Pecharman.
Interprétation : Laurent Pasquier, Sandra Vandroux et Amandine Longeac. Production : Metronomic.