Cahier critique 19/12/2018

"Quelque chose brûle" de Mathilde Chavanne

L’absence glaciale d’un être cher.

Diplômée des Beaux-Arts de Besançon et de la Royal Academy of Art de La Haye aux Pays-Bas, Mathilde Chavanne a réalisé le court métrage Quelque chose brûle en 2017 après Restez avec moi, un premier documentaire fiction tourné en immersion dans une caserne de pompiers. L’histoire d’une recherche silencieuse.

Margot vit et survit dans le souvenir de son frère jumeau Jeannot. Leur ville d’enfance, Briançon, celle où il a disparu, berce la jeune femme dans la remémoration, la cristallisation de l’être perdu. La douceur de la neige mêlée au ciel discret de l’hiver ralentit le temps, l’étend pour permettre à Margot d’endurer graduellement l’absence. Plus que la douleur c’est le regret, la question de l’après qui saisit les personnages de Quelque chose brûle. Une lumière faible mais toujours présente sur les visages de Margot et son frère Adrien révèle ces questionnements latents, seulement reportés à plus tard ou sous-entendus par le travail d’Adrien et les responsabilités qui y sont liées. Pompier, il tente de ramener la vie, la garder même quand tout est fini et qu’il la voit partir. La lumière qui les entoure, quant à elle, évoque celle d’un lever ou coucher de soleil, le début ou la fin, mais jamais le présent, l’immédiateté. Les têtes sont toujours levées ou baissées pour fuir le regard et dissocier les réalités de chacun.

La réalisatrice propose un regard équilibré entre le silence et les mots qui interviennent lors du deuil. Margot et Adrien partagent une intimité fragile, portée par les regards et la bienveillance, mais aussi par l’impossibilité d’une confrontation. Margot ressasse sans cesse l’histoire qu’Adrien repousse, et qui continue pourtant de les lier, même inconsolables. Au cœur des paysages rassurants de Briançon, un essoufflement persiste, l’abandon reste accroché. Cependant, quelques notes de musiques légères annoncent la résolution. Elles ponctuent la tension et rétablissent la continuité dans la vie de Margot et Adrien. Mathilde Chavanne évoque la disparition sous une forme de quiétude faussée qui se transforme et devient véritable au fur et à mesure du temps. 

Finalement, les cœurs se rassemblent et célèbrent ce qui n’est plus, mais a été avec tant de beauté. Tendrement Margot laisse Jeannot s’évaporer et rendre son impact au partage avec les autres qui nous tient debout et soulage tous les maux. Le “petit feu” que Margot et ses frères avaient au fond du ventre revient, reprend possession de la jeune femme et réveille le temps. 

Aliénor Lecomte

Scénario et réalisation : Mathilde Chavanne. Image : Victor Zébo. Montage : Suzana Pedro. Son : Valentine Gelin. Musique : Jérôme Petit. Interprétation : Victoire Dubois, Jérémie Laheurte, Yoann Zimmer et Gaël Kamilindi. Production : G.R.E.C.

Avec le soutien de la 

Entretien avec Jérôme Petit, compositeur de la musique originale de “Quelque chose brûle” de Mathilde Chavanne :