Cahier critique 13/04/2021

“Oh Willy...” d’Emma de Swaef et Marc James Roels

À la mort de sa mère, Willy retourne dans la communauté de naturistes au sein de laquelle il a grandi. Rendu mélancolique par ses souvenirs, il décide de fuir dans la nature où il trouve la protection d’une grosse bête velue.

Depuis sa présentation au festival de Clermont-Ferrand 2012, la trajectoire du dernier film d’Emma de Swaef et Marc Roels est étonnante : de festival en festival, de prix en prix, jusqu’au Cartoon d’or qui récompense le meilleur court métrage d’animation européen de l’année et une présélection aux César 2013. Oh Willy... intrigue et émeut, alors qu’il pourrait être franchement burlesque. Mais le sourire qui vient au spectateur à la découverte des personnages de nudistes en laine bouillie est vite remplacé par la sensation de douceur et de mélancolie issue tant du personnage principal que d’un scénario frôlant le métaphysique. Comme dans son précédent film, Zachte planten (2008), Emma de Swaef s’attache à un personnage solitaire, enfermé dans une société aliénante, qui trouvera une forme de liberté et une identité propre au contact d’une nature à la fois sauvage et accueillante.

Willy, un homme entre deux âges, vient au chevet de sa mère malade dans un camp naturiste. Après sa mort, il s’enfonce dans la forêt jusqu’à se perdre, puis est projeté dans un trip qui le mènera vers une créature fondatrice, sorte de Big Foot maternel et protecteur. Oh Willy... est un film sur le deuil, la filiation et la liberté. Délivré des contraintes sociales dans lesquelles chacun, naturiste ou pas, est enfermé, le personnage pourra enfin se trouver lui-même et faire corps avec l’univers, dans un esprit très 2001 : L’odyssée de l’espace.

L’aspect grotesque des personnages ou des situations est contrebalancé par la réalisation, la lumière et la matière des décors et des personnages, faits de laine et d’étoffes. Comme Willy se pelotonnant dans la fourrure de la bête matricielle, le spectateur serait lui aussi tenté de se laisser aller au contact moelleux de cet univers, et se libérer un instant du carcan social, du regard des autres. C’est ce contact absolu et désinhibé que prône le film, à l’image de celui d’une mère donnant le sein à son enfant, alors que les autres personnages semblent être dans son déni, bien qu’ils offrent leur corps au regard.

Cécile Giraud

Article paru dans Bref n°106, 2013.

Belgique, France, Pays-Bas, 2012, 17 minutes
Réalisation, scénario : Emma de Swaef et Marc James Roels. Image : Marc Roels. Animation : Emma de Swaef. Montage : Dieter Diependaele. Son : Jeroen Nadorp. Musique originale : Andreas de Ridder et Bram Meindersma. Interprétation : Edo Brunner. Production : Vivement Lundi !, Beast Animation, Polaris Film Production & Finance et Il Luster Films.