Cahier critique 02/03/2018

“Nous ne serons plus jamais seuls” de Yann Gonzalez

De bruit et de fureur. Bonus : entretien avec Yann Gonzalez autour de la musique du film.

On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans”, écrivait Rimbaud en 1870. Plus d’un siècle plus tard, les adolescents ne le sont toujours pas. Ils sont même pires. Ils boivent, fument, dansent, le tout dans un tourbillon de sentiments perturbants et contradictoires. Ils vivent la vie plus fort, quitte à effleurer la mort. C’est à tout cela que touche Nous ne serons plus jamais seuls de Yann Gonzalez, réalisé dans le cadre de la collection “Nos désirs1” et présenté en compétition “fiction” au dernier festival Côté court de Pantin.

En seulement dix minutes et sans dialogue, le réalisateur offre au spectateur une bouffée d’adolescence qui est de l’ordre de la sensation. Pour cela, il a notamment recours aux trucages : apparition/disparition ou plan stroboscopique. Même si les acteurs non professionnels (trouvés lors d’un casting à Nantes) peuvent avoir quelque chose d’agaçant, tant ils sont conformes aux stéréotypes des ados au look punk-rock vus partout, y compris dans les publicités, ils n’en sont pas moins bouleversants. Les filles notamment, lorsque leurs visages se crispent d’angoisse ou de douleur.

La trouvaille du film se situe dans l’utilisation d’une musique pour chacune des deux parties distinctes du film. D’abord la fête, avec un morceau (“Come See”, du groupe Belong) qui a des airs de battements de cœur ultra-rapides. Malgré lui, le spectateur vibre alors au même rythme que les adolescents. Puis le silence : après l’euphorie vient l’effroi. “Ne jamais crever” écrits sur un mur, un cri muet et un zoom avant vers cette inscription témoignent du trouble vécu par la blonde adolescente. Puis tout s’éclaire peu à peu. Et la musique fait son retour avec un morceau original composé par le frère du réalisateur, Anthony Gonzalez, plus connu sous le nom de M83, dont la ligne de basse, d’abord lente, s’accélère peu à peu, rappelant toujours les battements de cœur de la jeune fille au centre de l’écran. Cette accélération concorde avec une envolée vers les aigus, résolument lumineuse et porteuse d’espoir. Après les ténèbres, tout s’éclaire…

Cécile Guthleben

1. Cette informelle collection de courts métrages a été lancée par le cinéaste Cheng-Chui Kuo il y a près de trois ans. Celui-ci a proposé à quelques amis réalisateurs de signer un court métrage en Super 8 noir et blanc autour du thème du désir. Son of a Gun d’Antoine Barraud et Claire Doyon (2011) s’y inscrivait. Un film de Caroline Deruas devrait suivre.

Article paru dans Bref n°104-105, 2012.

Réalisation et scénario : Yann Gonzalez. Image : Thomas Favel. Son : Damien Boitel et Xavier Thieulin. Montage : Thomas Marchand. Musique originale : Anthony Gonzalez. Interprétation : Claire Ballu, Megan Northam et Guilhem Logerot. Production : Sedna Films.