“No, I Don’t Want to Dance !” d’Andrea Vinciguerra
En ces temps sombres, vous pouvez penser que chaque danger a été identifié, mais personne n’a jamais pris en compte celui que peut représenter la danse…
Sur le territoire des “très courts”, certains “petits” films d’animation parviennent régulièrement à s’offrir des circulations en festivals assez phénoménales, s’appuyant sur leur cursive efficacité et, souvent, leur drôlerie (éventuellement corrosive).
Ainsi No, I Don’t Want to Dance ! a-t-il touché et amusé de nombreux publics, jetant un pont non délibéré avec Enough d’Anna Mantzaris, déjà diffusé sur Brefcinema. Ce dernier, d’une durée tout aussi réduite, utilisait déjà la technique de l’animation de volumes, plus précisément des figurines de feutrine et tissus divers, avec une semblable parenté à un cinéma d’humour glacé, dénué de recours au dialogue – pour résumer, en ce qui concerne le cinéma de live action, un dénominateur commun au style d’un Roy Andersson ou d’un Elia Suleiman.
Les petites poupées d’Andrea Vinciguerra peuplent donc plusieurs saynètes, instantanés de l’époque post-moderne saisis en montage parallèle, où chacun est “dans son monde”, ou sur son écran, se souciant peu de l’autre et faisant ce qu’il veut au moment où il le veut. Ne pas tenir compte du sifflet du maître-nageur à la piscine, empêcher un ascenseur de se fermer pour s’y engouffrer, ne pas réagir à un accident domestique frappant sa propre mère dans la même pièce : l’égocentrique indifférence humaine du millénaire peut prendre toutes les formes…
Un syndrome de folle dérive que la narration résume par un certain vacillement de la raison, incontrôlable : comme ces fameux Strasbourgeois victimes, en 1518, d’une énigmatique épidémie (évoquée notamment par Jean Teulé dans son gouleyant roman Entrez dans la danse), les corps sont subitement possédés par le rythme – techno, ici – et se déhanchent malgré eux, lèvent les bras et agitent le popotin en une chorégraphie collective bientôt quasi-zombiesque.
Car c’est bien là la morale de l’histoire, comme pour le mystère de Strasbourg au déut du XVIe siècle, où les danseurs s’agitèrent jour et nuit, jusqu’à l’épuisement et le trépas. Les cadavres jonchent au final les pistes improvisées : les hommes peuvent-ils raisonnablement continuer à se soumettre aux absurdes injonctions du temps ? Cette fable animée colorée – et volontiers scato ! – y répond avec une jubilatoire insolence…
Christophe Chauville
Italie, Royaume-Uni, 2019, 3 minutes.
Réalisation et scénario : Andrea Vinciguerra. Image : Jamie Kennerley et Thomas Wootton. Son : Pietro Ventimiglia, Father et Francesco Corsello. Animation : Tim Allen et Will Hodge. Production : Georgie Beattie et Andrea Vinciguerra.