“Mobile Homes” de Vladimir de Fontenay
Une jeune fille forcée à se prostituer sur des aires d’autoroute par son ancien petit ami essaie de s’échapper lorsqu’elle réalise qu’elle va être séparée de son fils.
Présenté à la Quinzaine des réalisateurs, à Cannes, en 2017, Mobile Homes, premier long métrage de Vladimir de Fontenay, entretient forcément des points communs avec le court métrage du même titre que le jeune réalisateur avait signé en 2013 (il avait alors été sélectionné au Festival de Clermont-Ferrand). Les deux films s’organisent autour du motif d’une (très) jeune mère fuyant, avec son petit garçon, des conditions de vie des plus précaires, en se réfugiant dans un imposant mobile home lancé sur les highwaysnord-américaines. Les réalités de ces deux personnages féminins diffèrent sensiblement, Ali (c’est le même prénom à chaque fois) se prostituant, dans le court métrage, auprès des camionneurs sur des aires d’autoroutes, sous la contrainte de son maquereau d’ex-petit ami. Mais l’esprit, lui, reste au fond le même, sondant l’implacable menace posée par le dénuement social sur un lien maternel, les conditions n’étant pas optimales, c’est peu de le dire, pour qu’un enfant de huit ans puisse s’épanouir “normalement”.
Le style de Fontenay accroche sa caméra portée à ses personnages, tandis qu’ils arpentent les parkings nocturnes, dans une froideur d’ensemble qui touche tant à la température de cette région commune au nord des États-Unis et à la frontière canadienne, qu’à ces décors déshumanisés, presque abstraits, à l’image de ces “mobile homes” fonctionnels dans leur charge d’imaginaire et d’espoir, pour enfin changer d’endroit et donc, éventuellement, d’existence.
Celui qui a étudié le cinéma outre-Atlantique, notamment à la Tisch School of the Arts à New York, y a eu comme professeur Lodge Kerrigan. Il y a une parenté plutôt proche, dans Mobile Homes, avec son cinéma glacé et tranchant1, au sens d’une lame effilée déchirant les chairs. Celles de jeunes vies sacrifiées, avec pourtant la volonté soudaine de trouver une solution, pour sauver son propre enfant, faute de l’être soi-même. Et sortir du cauchemar, qui se profile au détour d’un plan, lorsque les jeunes filles sommées de donner leur corps se mettent à nu, floues en arrière-plan, sous le regard de routiers dont on ne voit en insert que des morceaux d’ombres, fantômes hantant les parkings avant de poursuivre la route. C’est en quelque sorte une face cachée – et hideuse – du rêve américain qui prend corps à travers le destin de ceux qui n’ont pas de maison, au sens propre et figuré tout à la fois. Et en investir une qui soit mobile, roulant vers un Ouest symbolique, sinon fantasmé, ressemble à une libération.
1. On pourrait jeter des ponts, notamment thématiques, tant avec Clean, Shaven(1993) que Claire Dolan(1998) ou Keane(2004).
Christophe Chauville
Réalisation, scénario et montage : Vladimir de Fontenay. Image : Pepe Avila Del Pino. Son : Katrina Whalen et Scott Hirsch. Musique : Victoria De La Vega. Interprétation: Alison Folland, David Call et Ash Devans. Production : Mact Productions / Talking Knots Films.