"Mauvaise tête" de Camille Vidal-Naquet
À l’occasion de la sortie en salles de Sauvage qui a embrasé la Semaine de la critique 2018, découvrez le troisième court métrage de Camille Vidal-Naquet, avant son passage au long.
Camille Vidal-Naquet suit en vingt-huit minutes les pas d’un garçon qui vit et agit seul contre tous. Comme dans son premier long métrage Sauvage, dans les salles ce 29 août. Mais là où le protagoniste du long semble imperméable et totalement détaché des contingences du monde matérialiste et ordonné des autres, Paul suit ici sa propre logique pour satisfaire un but : empêcher sa mère de mourir. Et c’est l’altérité qui lui fait accepter qu’il ne peut pas régir le réel. C’est à lui de changer son fusil d’épaule. Une fille à la dent cassée, qui lui demande dans un jardin partagé s’il fait la “permanence compost” et s’il veut de la tarte aux fleurs, le bouscule dans son tunnel existentiel. Très drôle. La fantaisie s’avère salvatrice.
Le réalisateur ne recule devant rien pour saisir le glissement humain vers l’irraisonné et l’inconfortable. Avec une maîtrise aiguisée du récit, du cadre, de la mise en scène, il colle au corps et aux iris bleu acier de Jonas Bloquet, lancé en ado manipulé alias Élève libre de Joachim Lafosse. Paul est un garçon qui balaie ce qui l’entoure avec son regard halluciné, parfois hagard, pour mieux en percer les mystères insondables. Ou, en tout cas, s’y frotter. Comme son titre l’indique, ce film est une histoire de tête. Tout est dans la tête. Le mal, la mort en marche, l’obsession. L’organique et le psychique. Le physique et le mental. Jusqu’aux dernières images qui montrent tour à tour une caboche de squelette qui coule, le visage du héros qui esquisse un sourire, puis le titre en gros plan, inaugurant le générique final.
L’errance guide les pas du cinéaste, qui ne cesse de balader son imaginaire sur des jeunes hommes en pleine déambulation, qu’elle soit motivée par un événement soudain (Backstage, Mauvaise tête) ou par un mode de vie (Sauvage). Une expérimentation de l’humanité dans le champ des possibles. À la recherche de signes ? Que la vie vaut d’être vécue ? Qui sait. Des signes qu’il visitait déjà dans son premier court expérimental en langue… des signes, Génie, et qu’il travaille comme passeur, en enseignant l’analyse filmique. Tête bien faite finalement, comme celle de son personnage, étudiant en médecine qui va au bout de lui-même pour mieux se préparer à ce qui l’attend : sa vie d’adulte.
Olivier Pélisson
Réalisation et scénario: Camille Vidal-Naquet. Image: François Reumont. Montage: Kutaïba Barhamji. Effets spéciaux: David Scherer. Son: Vincent Verdoux et Alexandre Hecker. Musique: Sylvain Morizet. Interprétation: Jonas Bloquet, Arnaud Saury, Hagop Kalfayan, Olivier Klughertz, Marie Béraud, Jean-François Regazzi, Samuel Mordant et Isalinde Giovangigli. Production: Utopie Films.
Interview de Camille Vidal-Naquet et Sylvain Morizet, réalisateur et compositeur de "Mauvaise tête" au festival d'Aubagne