"Marseille la nuit" de Marie Monge
Avant le premier long métrage, "Joueurs", découvrez ce court de Marie Monge nommé aux César 2014.
“Marseille la nuit”, c’est avant tout le titre d’un morceau issu du légendaire album de hip-hop d’IAM L’école du micro d’argent, sorti en 1997. Et du rap, Élias et Teddy en écoutent, naturellement. À la petite vingtaine, ils zonent dans la grisaille de leur ville de province synonyme d’horizons exigus – Limoges, en l’occurrence, dénuée de la connotation d’effervescence, sinon d’électricité, de la cité phocéenne où ils rêvent de partir s’installer. Bien sûr, comme le genre l’exige, entre chronique de banlieue (avec ses bastons et ses punchlines) et film noir, les lascars caressent ce projet de façon seulement vague, comme une perspective d’eldorado présente dans les esprits, mais sans plus de conviction que cela. En attendant, on se satisfait de vivre d’expédients, donc de petits trafics sans envergure, quoique susceptibles de ramener les emmerdes à la pelle. Une figure de caïd menace, en cas d’embrouille dans son dos, même si on a vu largement plus effrayant à l’écran – voir le massif Moussa Maaskri dans le Bye Bye de Karim Dridi (1995), qui avait été tourné à... Marseille !
Dans Marseille la nuit, nommé au César du meilleur court métrage en 2014, on fantasme donc une autre vie – comme on mime des gunfights en se déhanchant en soirée – plus qu’on ne se la prépare. À moins qu’une étincelle survienne, un déclic afin de sortir enfin de sa voie de garage. Ce pourrait être la jeune Mona – clin d’œil à un film culte et déglingué de Patrick Grandperret ? –, croisée à une fête étudiante et autour de qui se dessine pour les deux amis, presque des frères, un triangle amoureux inavoué. À travers cette irruption, des aboutissants narratifs inhérents à la tradition du genre s’ouvrent : la volonté de sortir de l’ombre, la fraternelle amitié fissurée, la tentation de la trahison, la fuite perpétuelle...
Le film se déroule en grande partie dans l’obscurité, fidèle à la promesse de son titre, au point que le spectateur a parfois peine à y voir goutte, placé au même niveau de visibilité – très réduite – des personnages en train de tenter d’échapper à leurs poursuivants et à leur destin, pour atteindre au moins l’aube et ses promesses bleutées. Autant de motifs qui resurgissent, approfondis, dans Joueurs, le premier long métrage de Marie Monge, en salles à l’été 2018 et où Tahar Rahim et Stacy Martin incarnent des amants de la nuit plus encore définis comme tels. C’est sans doute justement ce qui manque à Marseille la nuit : davantage de stylisation et un personnage féminin moins effacé, plus magnétique et personnifiant réellement la possibilité d’un autre avenir.
Christophe Chauville
Réalisation : Marie Monge. Scénario : Marie Monge et Julien Guetta. Image : Boris Lévy. Montage : François Quiqueré. Décors : Célia Lecomte. Son : Mathieu Villien, Claire Cahu et Samuel Aïchoun. Musique : Raphaël Hénard. Interprétation : Karim Leklou, Charif Ounnoughene et Louise Monge. Production : 10:15 Productions.
Interview de Marie Monge, réalisatrice de “Marseille la nuit” – Ciclic
Interview de Sébastien Haguenauer, producteur de “Marseille la nuit” – Académie des César