Cahier critique 18/06/2018

"Les résultats du bac" de Pascal-Alex Vincent

Un court métrage dans l’air du temps...

Les résultats du bac est l’un des premiers films de Pascal-Alex Vincent, lequel confirma ensuite un ton singulier, nourri tout autant par la culture japonaise qu’il connaît bien (Candy Boy, en 2007, mêlera audacieusement le dessin animé japonais et une histoire d’amour entre garçons) que par les films de Larry Clark ou de Gus Van Sant (Bébé requin, son court sous influence). Mais avant cela, le réalisateur avait choisi, dans ce qu’il considère comme son premier “vrai” film, de suivre plusieurs jeunes protagonistes dont le point commun est d’attendre ce jour-là les résultats du bac.

On distingue dans le film, au gré de saynètes alertes, un adolescent amoureux à la bouille encore enfantine, deux jeunes filles best friend forever aux parents absents, un jeune asiatique féru de jeux vidéos. Des types, des clichés, assumés, le jeune cinéaste navigant avec légèreté entre les passages obligés du cinéma teen d’alors pour mieux les détourner (pas de scène de boîte de nuit, non, mais un interlude chanté et dansé – prélude aux clips qu'il réalisera plus tard – où il fait déjà éclater son goût pour la J-Pop).

Frappe aussi, en revoyant le film, comme le sida – que le cinéma français des années 2000 oublia inconséquemment jusque récemment – demeurait encore l’épée de Damoclès pesant au-dessus des relations amoureuses (Gaël, avant d'aller au lycée, va chercher des résultats… qui ne sont pas ceux du bac, sans pour autant que cela ait besoin d’être surligné).

Surtout, pour les quatre personnages principaux, le temps du film est celui d'un passage. À la fin, d'ailleurs, Gaël fera son coming out devant une mère idéalement tolérante (“Franchement, t'aurais pu faire monter ton petit ami, j'avais acheté du champagne”), modèle de compréhension félicitant son fils d'être homosexuel. En effet, le film, léger comme une bulle, refuse les rapports conflictuels et contourne le passage semble-t-il obligé de l’incompréhension intergénérationnelle en assumant pleinement une certaine naïveté et une tentation de conciliation (réconciliation ?) singulièrement bienveillante.

C’est, à vrai dire, une France que l'on ne reconnaît plus que le film met en scène, une société d’avant les réseaux sociaux, d’avant Internet, d’avant la Manif pour tous, d'avant Parcoursup... Un entre-deux, au tournant du siècle, savourant les possibles. Avant les crispations, les violences que l'on sait.

Sous ses dehors légers, derrière une forme pop et fantaisiste empruntant au monde imaginaire de deux personnages féminins survoltés (passant ainsi allégrement du manga à la comédie musicale hollywoodienne, avec une chorégraphie aquatique citant avec une maladresse touchante Busby Berkeley), le film saisissait, mieux que bien d’autres à la même époque, les doutes de l'adolescence. Il confirmait aussi le talent d'une actrice précieuse, Florence Loiret-Caille, tout juste révélée par Seule d'Érick Zonca, mais pas encore dévorée par Vincent Gallo dans le Trouble Every Day de Claire Denis.

Sous la chaleur de juillet, dans des rues vides, déjà désertées, Pascal-Alex Vincent sut capter dans cette chronique intime ce moment de flottement et d'indécision qui marque la fin des études secondaires, le fameux passage de l'adolescence à l'âge adulte peut-être... Voire l’adieu à une enfance (Gaël ressortant ses jouets, le personnage joué par Julie Durand fantasmant le retour de son père) que l’on ne se résout jamais vraiment à enterrer.

Stéphane Kahn

Réalisation et scénario : Pascal-Alex Vincent. Image : Sylvia Calle. Montage : Muriel Breton. Son : Laurent Benaïm. Musique : Clément Bequart. Décors : Véronique Assens. Interprétation : Florence Loiret-Caille, Jean-Baptiste Pénigault, Betty Teboulle, Nicolas Ullmann, Julie Durand, Steve Tran-Quan, Djibril Gueye et Hong Mai Thomas. Production : Local Films.