Cahier critique 30/01/2024

"Les grandes vacances" de Valentine Cadic

Blandine passe ses vacances seule dans un petit camping au pied des montagnes. Elle est rapidement envahie par le bruit, la foule et la pluie qu’elle cherchait à fuir le temps d’un été. Au bord du lac, Blandine rencontre Helio un jeune journaliste local.

Farniente et baignades ensoleillées ne sont pas au programme des Grandes vacances de Valentine Cadic, où les fantasmes estivaux de Blandine se heurtent avec fracas à la réalité. Filmée en plan large, la protagoniste apparaît d’abord perdue parmi les montagnes qui vont bientôt se refermer sur elle à la manière d’un piège étouffant. Alors qu’elle se retrouve sans hébergement, elle est en effet contrainte de séjourner, par un temps pluvieux, dans un camping bondé. La présence des autres est vécue comme une agression, dont témoigne la bande-son, faite de bruits parasites, vacarme assourdissant où les cris se mêlent aux basses répétitives.

Avec sa paire de lunettes de soleil à rabat, son air ahuri et sa démarche hésitante, Blandine apparaît d’emblée comme un corps burlesque dont la maladresse se révèle aussi drôle qu’attachante. L’actrice Blandine Madec excelle dans le comique de geste, que ce soit au supermarché où, faute de masque, elle tente gauchement de recouvrir son visage à l’aide de son pull en pleine période de Covid-19 ou lorsque, à quatre pattes, elle s’extirpe avec difficulté de sa tente. Face à des interlocuteurs hostiles (le gérant peu commode du camping, une ribambelle d’enfants terribles), Blandine bégaie, s’excuse et n’en finit pas de subir les mésaventures. Des plans resserrés sur son visage sérieux et inquiet laissent toutefois entrevoir un mal-être profond, mélange d’épuisement et de solitude.

Il suffit qu’un jeune journaliste local (Helio Pu) lui tende un micro pour que sa souffrance s’exprime, au cours d’une interview virant de manière assez hilarante au déballage intime. Plus tard, celui-ci lui confère une importance inédite à l’héroïne en lui offrant un dessin qu’il a fait d’elle alors qu’elle semble plus généralement passer inaperçue ou être la proie de moqueries. Situés face à face, de part et d’autre d’une ligne centrale invisible, les deux personnages se ressemblent et trouvent l’un chez l’autre douceur et compréhension. Cette rencontre s’avère être le point de départ d’un lâcher prise global où Blandine, non sans l’aide d’un casque anti-bruit, goûte enfin au calme et envisage même de revenir au camping l’été suivant. Saisie de dos, en pleine contemplation, ou bien de face, le visage apaisé, la jeune femme semble alors faire corps avec le paysage.

Chloé Cavillier

France, 2022, 25 minutes

Réalisation et scénario : Valentine Cadic. Image : Coline Costes. Montage : Alexis Noël. Son : Louis Beaufort, Dimitri Kharitonnoff. Musique originale : Corentin Billette. Interprétation : Blandine Madec et Helio Pu. Production : Les Filmeuses.