Cahier critique 31/10/2018

"Les 3 inventeurs" de Michel Ocelot

Pour son tout premier film, Ocelot faisait déjà dans la dentelle…

Pour son tout premier court métrage, dont il entendait faire, aime-t-il à confier, son “chef-d’œuvre, au sens d’ouvrier-compagnon”, Michel Ocelot a littéralement, à la toute fin des années 1970, fait dans la dentelle. Il a en effet travaillé ses papiers découpés en ce sens, pour un résultat d’une rare délicatesse. Il a même utilisé ces napperons gaufrés que l’on trouvait à l’époque sous les gâteaux de pâtisserie et, après trois mois de tournage intensif, acheva la première de ses merveilleuses créations sous le pavillon prestigieux du studio a.a.a. fondé par Jacques Rouxel et Marcelle Ponti. Ce qui lui valut le Premier prix du Festival mondial du cinéma d’animation de Zagreb, Animafest, et le BAFTA du meilleur film d’animation à Londres.

Déjà, c’est une histoire remontée des siècles qui, au son majestueux d’un clavecin, orientait son inspiration, avec une élégance extrême. Une famille d’inventeurs (selon une “trinité” chère aux contes – le père, la mère et la fille) se heurtait à l’obscurantisme de ses contemporains, dont la bêtise crasse ou l’aveuglement religieux freinaient et détruisaient, à l’époque des Lumières, les philanthropes découvertes de la science. Bien avant l’érudite galerie d’illustres personnalités du Paris de la Belle-Époque dans Dilili à Paris, les frères Montgolfier comme Nicolas Joseph Cugnot et son fardier – le premier véhicule automobile jamais construit – laissent planer, sans être nommément cités, leurs visionnaires ombres sur cette fable progressiste au dénouement tragique, la brutalité des hommes livrant aux flammes le symbole du progrès et, dans le même temps, le fragile matériau du décor du film.

En une ultime pirouette, Ocelot choisit pourtant de se montrer rassurant en convoquant une dimension fictionnelle liée au “même pas vrai” propre au cinéma. Ce territoire qu’il abordait alors et où il s’est ensuite si solidement arrimé, ayant désormais enchanté plusieurs générations de spectateurs. Sa magie était déjà belle et bien présente, il y a presque quarante ans, dans cette matrice originelle dont les premiers mots sont sans ambigüité : “Il était une fois…”.

Christophe Chauville

Réalisation, scénario, image, montage et décors : Michel Ocelot. Musique : Christian Maire. Son : Robert Cohen-Solal et Jean-Claude Voyeux. Voix off : Michel Elias et Michel Ocelot. Production : a.a.a.