Cahier critique 09/02/2018

"Leidi" de Simón Mesa Soto

Palme d’or du court métrage au Festival de Cannes 2014.

Lorsqu’il réalisa Leidi, Palme d’or du court métrage en 2014, Simón Mesa Soto était encore étudiant à la London Film School. Avec une équipe de tournage 100% colombienne, il dresse un portrait juste et sensible d’une ville, Medellin, et de l’une de ses habitantes : Alejandra Montoya Villa. Elle n’est pas comédienne, c’est une jeune fille-mère qui rejoue une situation de son quotidien.

Le réalisateur n’oriente pas pour autant son film vers une narration documentaire et use au contraire, de façon très maîtrisée, d’une photographie, d’un cadre et d’un filmage qui relèvent de l’esthétique d’un film de fiction classique. Car si Leidi est en permanence dans le cadre, Simón Mesa Soto n’en fait pas pour autant sa “Rosetta” colombienne et privilégie des plans fixes structurés ou des mouvements de caméra harmonieux.

Le visage de la jeune fille, souvent filmé en gros plan, exprime, plus que sa – rare – parole, tout le désarroi de sa situation. Son jeu, sobre et mutique, est mis en valeur par ces cadres serrés qui laissent volontairement certains personnages périphériques – la mère, par exemple – hors champ. Ce dispositif de mise en scène isole d’autant plus l’adolescente et son bébé, en quête du père de celui-ci dans les méandres des favelas : la fragilité de ses repères familiaux est ici accentuée par l’absence de son propre père.

Le réalisateur cartographie ces quartiers populaires nichés dans les hauteurs de la ville, loin du centre économique et riche de la cité, matérialisé par les silhouettes imposantes des centres d’affaires en arrière-plan, dans la vallée. Son regard – peut-être modifié par des années de séjour en Europe  – est en cela presque romantique, tant la beauté du lieu et la vue offerte contraste avec une pauvreté palpable. 

Mais la force du film réside dans la finesse de traitement du sujet, refusant systématiquement les situations ou personnages violents, caricatures habituelles que l’on s’attend à voir dans un film tourné à Medellin. Simón Mesa Soto, tout en étant conscient des problèmes sociaux encore non résolus dans sa ville, souhaite en montrer un visage plus optimiste, en phase avec la réalité de Medellin, passée en quelques années du statut de “ville la plus violente au monde” à celui de “ville la plus innovante”. Il matérialise cette idée d’espoir par un plan final aussi inattendu qu’émouvant : celui d’une famille réunie face à un panorama de la Cordillère des Andes grandiose, où la ville n’apparaît plus comme une chimère, mais un monde à portée de main, qui n’attend qu’à être embrassé.

Fabrice Marquat

Article paru dans Bref n°122, 2017.

Réalisation et scénario : Simón Mesa Soto. Image : Juan Sarmiento Grisales. Son : Ania Przygoda et Andrés Montaña Duret. Montage : Ricardo Saraiva. Interprétation : Alejandra Montoya Villa et Héctor Alfredo Orrego. Production : London Film School (Colombie et Royaume-Uni).