“Le vacant” de Julien Guetta
Pierre, la soixantaine, se refuse à accepter sa mise à la retraite anticipée par son état de santé. Entre grandes galères et petites débrouilles, il entrevoit des solutions parfois fantasques pour échapper à sa condition sociale.
C’est un terme rarement adossé à une personne : le “vacant”. On le dit d’un poste ou d’un siège, mais d’un homme, non. Et pourtant, c’est le titre d’un des courts métrages les plus connus de Julien Guetta, mettant immédiatement en relief le vide qui envahit la vie de Pierrot, parti en retraite un peu plus tôt que d’autres, pour raisons de santé. Et Pierrot ne s’y fait pas. Le travail lui manque, l’oisiveté lui pèse. La chasse, loisir pourtant favori, l’oppresse. Il peine au fond à s’arranger avec cette liberté soudaine qui le définit totalement comme vacant. Julien Guetta fait donc le portrait d’un homme en équilibre, dont les actes passent de la cocasserie à la folie douce voire inquiétante, la description d’un père soucieux du bien-être de ses deux fils mais capable de passer littéralement à côté de l’un des moments les plus importants de leur vie.
Promu scénariste à la Fémis à la fin des années 2000, Julien Guetta prend un malin plaisir à écrire puis filmer la glissade d’un personnage qui s’échappe de lui-même. On dirait presque qu’il sort de son corps, de sa petite chemise rouge traversée de bandes blanches, et qu’il se fabrique un aveuglement qui le fait taper à des vitres imaginaires. Le récit baguenaude avec lui, de la rencontre avec une caissière de cinéma à mettre (presque) immédiatement dans son lit au désir pressant d’emprunter de l’argent à la banque pour acheter un fonds de commerce et vendre des articles de chasse.
On prend paradoxalement du plaisir à accompagner cette dérive avant de comprendre, saisi par l’émotion, qu’un homme connaît une dépression et qu’il ne va pas bien du tout. La caméra empathique de Pascale Marin cadre ce Pierrot que Jean-François Stévenin interprète avec toute la finesse qu’on lui connaissait. Pas très grand, le corps droit même un peu raide, le visage mangé par une barbe gris blanche, il déambule et ranime sans cesse la flamme d’un personnage qui pourrait tomber dans le vide à tout moment. Dans sa façon de jouer l’autorité ou la séduction, Stévenin fait sans cesse affluer le sentiment d’enfance, ce qui fait de Pierrot un personnage profondément mélancolique, pas encore tout à fait conscient de la liberté dont il pourra jouir. Le vacant est l’histoire d’un moment dans la vie d’un homme pris entre la fin d’une étape et le début d’une autre.
Bernard Payen
France, 2007, 27 minutes.
Réalisation et scénario : Julien Guetta. Image : Pascale Marin. Montage : Noël Fuzellier. Son : Jean-Baptiste Haehl, Jocelyn Robert et Romaric Defrance. Musique : Franck Gervais. Interprétation : Jean-François Stévenin, Satya Dusaugey, Romain Torres, Aude Pépin et Joël Lefrançois. Production : Les Films au long cours et La Mer à boire Productions.