Cahier critique 03/02/2018

"Le plombier" de Méryl Fortunat-Rossi et Xavier Seron

Une comédie érotico-acoustique.

Après avoir, avec L’ours noir (2015), poussé aux limites de l’absurde une comédie gore, la même équipe s’amuse d’un autre genre avec Le plombier, dans lequel une équipe, réunie dans un studio de doublage exigu, met en boîte le son d’un film porno.

L’humour procède bien souvent de décalages, Le plombier en joue à plein régime. Entre le caractère minable du décor, le physique des protagonistes, les injonctions données aux acteurs, les mimiques et les gestes auxquels ils se livrent pour produire le son nécessaire, on ne saurait inventorier tout ce qui en relève tant il s’agit du principe général qui gouverne cette farce.

Le quiproquo constitue un autre levier traditionnel du comique. Comme, par exemple, ce moment où le comédien flamand, ne comprenant pas l’allusion de sa partenaire – quand elle lui propose de passer chez elle car, elle aussi, a un problème de plomberie – répond que, en vrai, il n’est pas plombier.

Plus généralement, le film revendique sans vergogne son mauvais goût, son caractère bête et méchant. Comble de la vulgarité, Méryl Fortunat-Rossi et Xavier Seron abusent, sans complexes, d’inserts de très gros plans de bouches poussant l’obscénité jusqu’à faire manger à leurs personnages des moules – nous sommes en Belgique – en suggérant un rapprochement organique qui n’échappe à personne.

D’ailleurs, peu dans le film échappe aux spectateurs, tant les scènes, les effets comiques sont exprimés sans ambiguïté, dans des registres et une rhétorique attendus qui appellent la complicité.

Pour autant, le regard porté sur les personnages n’est en rien surplombant ni cynique. Le film ne se moque pas d’eux. Ces professionnels de l’ombre, œuvrant dans les bas-fonds du 7e art, pour ridicules qu’ils soient, ont aussi quelque chose de touchant avec leur conscience professionnelle déplacée, leur humanité, leur horizon qu’on imagine relativement borné ; à un moment, tout à coup, un des preneurs de son – ont-ils besoin d’être deux ? – déclare percevoir une ressemblance entre le comédien et le chien disparu de sa mère.

Une tendresse particulière nimbe ce moment où nous découvrons le résultat de leur labeur, ce doublage approximatif sur des acteurs aux physiques si loin d’eux, mais qui semblent partager avec un léger décalage, voire un doute certain sur le rôle qu’ils sont amenés à jouer. Si le film est absurde, la réalité dont il se fait l’écho ne l’est pas moins.

Gaudriole à part, le film suggère aussi que, même en donnant le sentiment d’exécuter son travail en professionnel, on ne sort pas complètement indemne de ce genre de prestation. Ainsi, s’il apparaît évident, pour revenir sur le quiproquo évoqué, que la comédienne s’est trouvée quelque peu échauffée par les accouplements – invisibles à nos yeux –, auxquels elle a prêté ses gémissements et ses cris, il n’est pas interdit de penser que le refus de comprendre de son partenaire procède d’une inhibition – par  comparaison – que les mêmes scènes auraient provoquée.

Jacques Kermabon

Réalisation : Méryl Fortunat-Rossi et Xavier Seron. Scénario : Xavier Seron. Image : Mathieu Cauville. Montage : Julie Naas. Son : Marie Paulus, Julien Mizac et Philippe Charbonnel. Interprétation : Tom Audenaert, Catherine Salée, Jean-Benoît Ugeux, Philippe Grand'Henry, François Ebouelé et Delphine Théodore. Production : Hélicotronc / Origine Films.