“Le petit dragon” de Bruno Collet
La fureur de vaincre version Toy Story.
Calypso Is Like So devait donc avoir une suite. Après ce film où Bruno Collet ressuscitait Robert Mitchum en serial killer, la société de production Vivement lundi !, pour sa série “Animator’s Studio”, s’attaquait, en 2009, à deux autres acteurs mythiques dont les filmographies étaient revisitées au prisme de l’animation.
Tandis que Camille Moulin-Dupré arpentait gracieusement, en mêlant ligne claire et nostalgie, la filmographie de Jean-Paul Belmondo (dans Allons-y Alonzo), Le petit dragon s’imposait en variation autour de Bruce Lee, et plus généralement – à la manière d’un Toy Story en miniature – en une fine réflexion sur le devenir jouet, la mise en série industrielle d’une icône cinématographique errant dans le cimetière fétichiste d’un collectionneur cinéphile.
Bardé de sa panoplie jaune du Jeu de la mort, Bruce Lee n’y est pourtant plus qu’un ersatz, une figurine articulée, un jouet estampillé seventies relayé à la fin par son double, actualisé, de jeu vidéo. Traduction : les décennies passent mais le mythe, pourtant, demeure intact.
Du jouet au jeu vidéo, du palpable au virtuel, c’est d’ailleurs un cheminement logique quand Opération dragon de Robert Clouse – avec ses niveaux à franchir, ses différents adversaires à terrasser – préfigurait très clairement, dès 1973, les jeux de plateaux des salles d’arcades des années 80-90. Logique substitution de l’acteur à l’icone aussi quand, suite au décès du comédien sur le tournage du Jeu de la mort, les doublures furent nombreuses pour permettre aux producteurs d’achever tant bien que mal le tout dernier film de Bruce Lee…
Sous l’emballage ludique, l’avalanche de clins d’œil et le soin apporté à la musique originale, Le petit dragon distille ainsi une réelle mélancolie. Le héros d’antan n’y est plus, nous montre-t-on, qu’une marionnette vouée à l’obsolescence, un jouet oublié sous un lit. Constat paradoxal pour un court métrage célébrant la pérennité d’un mythe d’une manière bien plus profonde que les cabrioles mises en scène pourraient le laisser croire…
Stéphane Kahn
Réalisation et scénario : Bruno Collet. Image : Ludovic Auger et Fabrice Richard. Montage : Mathieu Courtois.
Animation : Xavier Truchon, Shinta Juilland, Léon Rousseau, Julien Leconte et Samuel Guénolé.
Son : Léon Rousseau. Décors : Maëlle Bossard, Vincent Gadras, Maude Gallon, Laurent Lefeuvre,
David Thomasse et David Roussel. Effets spéciaux : Caroline Lafarge, Michaël Le Meur et Julien Leconte.
Interprétation : Bastien Colin. Production : Vivement lundi !