"Le génie de la boîte de raviolis" de Claude Barras
Comme tous les soirs en rentrant du travail, Armand, ouvrier à la chaîne d’une usine de pâtes alimentaires, s’ouvre une boite de raviolis en guise de dîner. Mais ce soir, un énorme génie surgit de la boîte. Il propose à Armand d’exaucer deux de ses voeux.
Bien avant Ma vie de Courgette (2016), ce film d’animation enchanteur aux héros tendres et à l’étincelle solidaire, Claude Barras et ses marionnettes en stop-motion sublimaient déjà notre enfance. Le génie de la boîte de raviolis (2006), petite escapade insolite entre plaines bucoliques et trottoirs cimentés, célèbre en douceur et en chansons ce que peut être le quotidien, si l’on y met un peu d’amour et qu’on le vit au jour le jour.
Armand est employé d’usine. Consciencieusement, il poinçonne les boîtes de raviolis que ses placards peinent à contenir. L’ouverture du court est à l’image du travail à la chaîne : répétitive, saccadée et bruyante. Comme au début de la très colorée Vita nuova d’Arthur Sevestre – très romantique voyage urbain ! –, cette vie citadine monotone et automatisée ravive notre goût pour les vertes collines et les calmes ruisseaux. Alors que la ville grince et résonne sans cesse de ses bouchons, de ses métros, de ses alarmes, et dresse vers les nuages ses tours grisonnantes, Armand, lui, cultive avec prévenance de petits trésors, comme une fleur à sa fenêtre. Charmant, il cueille son petit bonhomme de vie.
Comme en réponse au titre, fort évocateur, on joue sur les attentes d’un spectateur averti. Par le comique de la situation et sa dimension transgressive, la rencontre d’Armand et de son génie se rend inédite. Notez que cet être magique, quasi-chimérique, émerge d’un contenant trivial, rappelant l’importance du rêve et de l’imaginaire au sein de ce réel si prosaïque. Lorsque de cette banale conserve s’échappe la créature bedonnante au bel accent italien, on oublie presque la lampe ancienne et mystérieuse des légendes orientales. Elle ne donne droit par ailleurs qu’à deux vœux, originalité qui détourne les codes du conte et glisse un contre-hommage satirique à celui des fameux contes ridicules de Perrault, Trois souhaits, dans lequel s’invective un couple de paysans piégé par ses désirs les plus déraisonnables.
À l’image d’Armand et de ses souhaits très purs, Claude Barras fait l’éloge des plaisirs modestes, dans une ode au bonheur simple, qu’il ne tient qu’à chacun de laisser entrer. Comme pour parfaire cette harmonie, faute de savoir reprendre son poste, même le génie s’attarde un instant. Les rôles s’inversent, le demandeur devient bienfaiteur. Un beau message pour petits et grands dans ce retour symbolique à ce que l’on sait qualifier d’essentiel : une nature accueillante et paisible, des mets appétissants et la douce compagnie d’un ami se mêlant sur un air de vacances.
Marie Labalette
France, 2006, 07 minutes.
Réalisation : Claude Barras. Scénario : Claude Barras et Germano Zullo. Image : David Toutevoix. Montage : David Monti. Son : Pascal Hirt, Zita Bernet, Raphaël Sommerhalder et Emmanuel Hungrecker. Musique originale : Julien Sulzer.
Voix : Oskar Gomez Mata et Pierre-Isaïe Duc. Production : Folimage.