Cahier critique 03/09/2018

"La leçon de danse" de Philippe Prouff

Devenez le roi du dancefloor en 5 minutes !

Vous avez rêvé de briller sur un quelconque dancefloor, sous les mille feux d’une boule à facettes et d’un stroboscope ; mais vous n’avez pas le sens du rythme, vous êtes étranger au plaisir de la chorégraphie collective de la macarena, et trouvez irrésistibles ou pathétiques ceux qui s’entêtent à remuer frénétiquement leur corps en faisant fi du regard des autres ? Cette Leçon de danse (testée et approuvée en salle Cocteau au Festival de Clermont-Ferrand 2007 !) efface tous vos complexes et vous démontre, en cinq minutes, et en un seul plan, qu’en chorégraphiant simplement des objets et situations du quotidien (l’étagère du haut, l’étagère du bas, faire la vaisselle, tabasser un nain), la danse est à la portée de chacun !

Un homme entre en “scène” (entendons-nous : pousser les tables d’un bar miteux peut constituer une piste de danse tout à fait convenable). Il s’avance, ôte son tee-shirt et effectue quelques étirements. Aucun doute, il s’agit du professeur de danse ; en témoignent ses muscles saillants qui se contractent excessivement au moindre de ses mouvements. Il enchaîne alors, avec un sérieux déroutant, des mouvements pour le moins incongrus. Le sous-titrage précise : du “grand poisson” à “questions pour un champion” en passant par les “montagnes russes”. Troisième et dernière phase de la leçon : la mise en pratique, sur une musique techno.

Malgré un humour potache parfois prévisible et un dispositif technique presque terne, La leçon de danse surprend par sa capacité à mettre l’accent sur l’importance de l’expérience. Voir le film en salles, c’est entendre un public se prendre au jeu de la devinette et partager cinq minutes d’hilarité avec de parfaits inconnus, rire ensemble du danseur comme de soi-même, se fondre volontairement dans une masse homogène. C’est accepter de se constituer en public hétéroclite mais unanime, et profiter d’une interaction entre le film et le spectateur, souvent interdite par la double barrière de l’objectif et de l’écran. Faisant appel au même type de ressorts qui liaient le spectateur au professeur de chant dans Le coq est mort (de Zoltan Spirandelli, 1988), ce court métrage séduit son public en créant une connivence collective qui vibre dans l’espace d’une salle obscure, le temps du défilement de quelques mètres de pellicule.

Et vous ? Qu’en est-il devant votre écran ? 

Marie-Anne Campos

Article par dans Bref n° 77, 2007.

Scénario et réalisation : Philippe Prouff. Image : Nicolas Duchêne. Montage : Gildas Debaussart. Son : Julien Bourgon. Musique : Sébastien Manaches. Interprétation : Maxime Dorian. Production : Les Films de la Marelle.