"La falaise" de Faouzi Bensaïdi
À l’heure où sort Volubilis, le dernier long métrage de Faouzi Bensaïdi, découvrez son tout premier film, multiprimé en son temps.
La falaise est le premier court métrage de Faouzi Bensaïdi, réalisateur marocain qui a continué, après ce premier succès montrant déjà sa patte spéciale, avec Trajet et Le mur, puis des longs métrages, dont Mille mois, remarqué à Cannes, et le dernier en date, Volubilis. Ce film, en salles en ce moment, dévoile, tout comme La falaise, l'intérêt et le souci du réalisateur pour son pays, pour ses douleurs et ses particularités. Dans les deux œuvres, on note une importante dimension sociale et un sens dramatique exacerbé.
Réalisé en 1997, La falaise semble pourtant venir d'autres temps et dimensions. Le court métrage suit deux jeunes frères orphelins qui, pour survivre grâce à quelques pièces, collectent des bouteilles de verre vides à revendre ou peignent à la chaux les tombes du cimetière. Au tout début se dégage une sorte de gaieté qui émane d'eux, montrant que leur lutte conserve une naïveté, une insouciance enfantines face à la vie. Mais on perçoit de leur rude quotidien, ainsi condensé dans ces quelques minutes de film, les difficultés des enfants, complètement isolés du monde des adultes – et dans lequel on ne voit aucune femme.
Le noir et blanc, la quasi-absence de dialogues et l’expressionnisme des gestes rapprochent l'esthétique du film de l'abstraction, et peut-être même de l'allégorie. La nature, très présente, est, elle, filmée d'une manière presque géométrique, souvent en plongée, détournant les formes géologiques auxquelles nous sommes habitués. Un arbre, les vagues, la roche des falaises apparaissent à l'image de façon surprenante et donnent la sensation que ces éléments sont à part, au-delà du monde des hommes ; une nature brute qui accompagne pourtant, pour un moment, les péripéties des deux frères. L'un regarde la mer à travers une bouteille et celle-ci devient, par ce flou agréable et reposant – le bercement des vagues, tous les sons qui ont d'ailleurs eux aussi une présence importante –, une abstraction étrange, avec laquelle l'enfant peut jouer, rêver et être alors enfant, véritablement.
Mais cette caméra placée souvent en hauteur ne laisse rien présager de bon et semble être la marque du destin qui va bientôt se jouer. La nature demeure malgré tout ce qu'elle est depuis toujours, implacable, supérieure aux aléas humains et parfois cruelle. Et dans La falaise, elle annonce la tragédie.
Léocadie Handke
Réalisation et scénario : Faouzi Bensaïdi. Image : Marc-André Batigne. Montage : Mireille Hannon. Son : Patrice Mendez. Interprétation : Adil Halouach, Mehdi Halouach, Mohamed El Warradi, Zakaria Atifi, Mohamed Belfkih, Mohamed Benkirane, Mohamed Taleb et Abdellatif Khammouli. Production : Gloria Films Production.