Cahier critique 13/07/2018

"La bande à Juliette" d’Aurélien Peyre

#MeToo

Le portail d’une maison de vacances s’ouvre sur un week-end à la campagne entre amis. Juliette a invité ses nouveaux copains de licence et son amie d’enfance, Maglone. Ils ne se connaissent pas, mais vont s’aimer puisqu’ils aiment Juliette. Pourtant la solitude de Maglone est palpable. Souvent seule dans le cadre, elle ne pénètre que rarement les plans où se resserrent les cinq autres amis. Cachée sous son éventail, elle fait passer le sentiment d’inconfort pour un détachement fier, alors qu’elle doit tout faire pour ne pas être reléguée dans le passé encombrant de sa meilleure amie.

Confrontation de l’ancien et du nouveau, c’est le combat que semble en effet mener Juliette en son for intérieur. Que garder, que jeter de son enfance et que retenir de ses nouvelles connaissances pour changer “en bien” ? Une dualité entre vieux et neuf qui se joue aussi au niveau de la dichotomie entre ville et campagne. Les jeunes citadins pré-bobo artistes sont ravis de se ressourcer dans une vieille maison : c’est “ploucos”, mais c’est rustique. Ils apportent cigarettes, alcool et désirs éphémères sous l’œil indifférent des ânes et des oiseaux. Ils sèment aussi leur énergie un peu partout. Elle se propage dans le cadre et donne la dynamique du film, aidé par une bande originale qui donne d’entrée de jeu envie de danser avec Love for the Sake of Love de Claudja Barry en musique d’ouverture. Les étudiants vont même jusqu’à littéralement donner le rythme au film dans une séquence jouissive de percussions improvisées. Ils rappellent à l’été sa chaleur, leur spontanéité, le bonheur et la danse, partout, parce que c’est bon. La lumière, aussi, est travaillée de manière à baigner leur insouciance au soleil, ses rayons jouant dans le blé des champs et le blond des filles.

Blonde platine, Maglone, surtout, rayonne. Même si elle n’est pas au cœur de la bande, dès le début du film elle attire de sa voix l’œil du spectateur pour devenir peu à peu le centre de l’attention. Car le court métrage d’Aurélien Peyre traite d’un sujet bien plus grave et d’actualité que celui de vacances loin de Paris. Après une soirée alcoolisée, Maglone se rappelle les avances insistantes de Vincent. Ce dernier clame que c’est elle qui s’est jetée sur lui. Fini alors le Monopoly, on entre dans le vrai champ de bataille. Vérité ou mensonge, attouchement ou entraide ; la bande à Juliette ne sait visiblement pas sur quel pied danser. Le cadre mouvant et le mouvement presque perpétuel dans le champ traduisent l’inconstance de ce groupe d’amis dont le jugement est très variable. Mais la justice se fait aussi en dehors des tribunaux et sur les terrains de jeux. La vie est un long combat où il vaut mieux s’armer d’endurance et de peinture sous les yeux. Face à face entre agressée et agresseur. Dernière frappe. Enfin, (trop) courte sensation de victoire pour les victimes.

Anne-Capucine Blot

Réalisation et scénario : Aurélien Peyre. Image : Masanori Omori. Montage : Romain Rioult. Son : Hugo Tos, Anne-Sophie Loubette, Jean Gargonne et Matthieu Tibi. Décors : Charlotte Caussarieu et Chloé de Nombel. Interprétation : Faustine Levin, Pauline Acquart, Aurélien Vacher, Adrien Schmück, Fanny Lamblin, Phénix Brossard et Lucas Audineau. Production : Gladys Glover.