"L’aurore boréale" de Keren Ben Rafael
Après la sortie du long métrage "Vierges" de Keren Ben Rafael, découvrez dans ce court métrage un duo père/fille plus vrai que nature !
Cette année, la Collection de Canal+ avait pour thème “Le jeu des 7 familles”. Créée en 2002, son principe est depuis quelques années le même : des scénaristes proposent et les acteurs disposent. Ana et Hippolyte Girardot, qui n’étaient apparus ensemble que dans Après l’amour (Diane Kurys, 1992), autant dire une éternité, ont choisi le scénario autobiographique d’Élise Benroubi. Réalisé par Keren Ben Rafael, ce court métrage les met en scène, le temps d’une nuit, dans un duo père/fille complexe et très touchant.
Hippolyte Girardot incarne un père à la fois intrusif – qui, comme tous les pères, veut tout savoir de sa fille – et très immature. Il la sollicite tellement qu’il passe parfois pour l’enfant du duo. Cette sorte d’inversion des rôles, la réalisatrice l’avait remarquée sur le tournage et souhaitait la restituer dans son film. C’est réussi. Les rapports entre ces deux personnages passent de l’amour à la haine. Ils s’attirent et se repoussent ; ils ne peuvent ni vivre ensemble, ni être séparés. Cette dichotomie dans leur relation est accentuée par la mise en scène de Keren Ben Rafael qui les place durant quasiment tout le film dans l’espace clos d’un habitacle de voiture. La voiture du père, d’abord, puis celle d’un autre duo qui vient contrarier leur projet d’assister à une aurore boréale.
Cet autre duo formé, lui, par deux hommes (Jonathan Cohen et Marc Citti) fait basculer le film vers la pure comédie. Les hystéries des deux couples se répondent, se font écho, provoquant ainsi le rire du spectateur en dédramatisant la situation. Tous les pères n’ont-ils pas des problèmes avec leurs filles ?
La réussite du film tient évidemment dans le duo formé par Ana et Hippolyte Girardot. Une grande tendresse se dégage de leurs rapports. Le spectateur se plaît à se demander où se trouve la limite entre la réalité et la fiction dans les dialogues qu’ils échangent. L’aurore boréale est réellement un film transgenre qui part de l’étrange et du fantastique, et ce dès le générique, pour se terminer en pure comédie, en opérant un détour par la comédie dramatique et le drame familial.
Cécile Guthleben
Article paru dans Bref n° 109, 2013.
Réalisation : Keren Ben Rafael. Scénario : Élise Benroubi et Rémi Bertrand. Image : Damien Dufresne. Montage : Noël Fuzellier. Son : Maxime Champesme. Musique : Thomas Krameyer. Décors : Augustin Collet. Interprétation : Ana Girardot, Hippolyte Girardot, Marc Citti et Jonathan Cohen. Production : Palikao Films.