Cahier critique 01/09/2017

“K-Nada” d’Hubert Charuel

Petit paysan sort actuellement en salles ; découvrez le parcours de deux Pieds Nickelés dans le deuxième court métrage d’Hubert Charuel, au délicieux parfum de comédie. 

K-Nada réunit tout les ingrédients du “film de losers” : un mélange de bonnes vannes, de rugosité et de tendresse, d’absurde inspiré d’une réalité pas si lointaine, de grands rêves pour des personnages qui ont tout sauf l’étoffe des héros, des paysages sans gloire, une interprétation sans faille et des dialogues au couteau. Tout y est. On connaît le principe, on sait bien que ces “deux frères que tout oppose” vont finir par se retrouver (comme dans Mon héros de Sylvain Desclous). On sait bien qu’avec ce départ pour Amsterdam, on risque de ne pas dépasser les frontières régionales (comme dans Paris-Shanghai de Thomas Cailley) et que les grandes aventures ne tiendront pas la promesse des rêves qu’elles contiennent. Et pourtant on rit. Et pourtant on se surprend à vouloir y croire. On se réjouit qu’Hubert Charuel s’amuse et flirte avec la limite du “trop”.

On suit Greg et Valentin de la place de l’église au parking d’une zone commerciale, du bowling à caïd au McDrive à manager scrupuleux. Et dans les absurdités qui jalonnent ce road movie manqué, on retrouve des dérives familières (“Mais qu’est-ce qui se passe dans ta tête à chaque fois que tu dois prendre une décision ? Tu penses à Chuck Norris ?!”), les échecs programmés et l’incompréhension familiale (la mère se demande pourquoi son fils n’a pas fait l’école de DJ comme David Guetta – elle l’a vu dans Envoyé spécial). Les deux frères pourraient être le fruit d’une époque marquée par la télé dans ce qu’elle propose de plus niais, et par l’attrait du succès – c’est devant l’émission Ice Road Truckers que Valentin a nourri son rêve de devenir conducteur de poids lourds au Canada (sic).

Mais quoi de plus banal que de rêver d’une vie d’artiste ou d’aventure bout du monde ? Et après tout, c’est bien là le charme des losers : quelle que soit l’étroitesse de l’horizon, fût-il réduit à l’intérieur d’un garage abritant l’habitacle d’une voiture qui ne démarrera plus, la force des rêves permet de continuer.

La réussite de ce « film de losers » témoigne d’une maîtrise du scénario, du rythme, de la direction d’acteurs, qualités à retrouver dans Petit Paysan, son premier long métrage en salles, remarqué à la Semaine de la critique.

Marie-Anne Campos

Réalisation : Hubert Charuel. Scénario : Hubert Charuel et Claude Le Pape. Image : Sébastien Goepfert. Montage : Julie Lena. Son : Alexis Meynet, Marc-Olivier Brullé et Raphaël Hénard. Décors : Jacques Girault. Interprétation : Valentin Lespinasse, Grégoire Pontécaille, Franc Bruneau, Fred Scotlande et Sylvaine et Jean-Paul Charuel. Production : Les Films Velvet.