Cahier critique 23/07/2018

"Je suis une amoureuse" de Jocelyne Desverchère

Un casting de cinéphile pour ce premier court métrage signé par une comédienne bien trop rare !

Comme le sentiment qu'il approche, le film de Jocelyne Desverchère se goûte, s'écoute, se dérobe, émerveille... Celle qui fut régulièrement dans les œuvres des cinéastes de sa génération une jeune femme moderne taraudée par le sentiment amoureux, se jette à son tour à l'eau douce et se demande, faussement naïve, quelle amoureuse elle est. 

Jocelyne Desverchère ne répondra évidemment pas. Mais recomposera en images, appareil photo à la main, de courtes séquences, comme autant de rencontres, avec des personnages aimés. De ces hommes qu'elle a aimés, peut-être, de ceux qu'elle a observé aimer, de ces femmes en amour dont elle fait partie tout entière, elle capte les ombres portées, met en avant les regards. Elle en tire surtout mille histoires qu'elle raconte en off avec des manières de conteuses. 

Film de photographies, mais pas seulement, autobiographie, microfiction, essai dans le sens de tentative, Je suis une amoureuse se laisse caresser par l'essence du sentiment amoureux et cherche absolument, pour citer l'un des plus beaux portraits du film, à “louer ce qui est vivant”. En s'attardant sur l'échancrure d'un col de chemise, une chaise tout à coup devenue vide, les mots bleus d'un mari éconduit, le profil mal léché d'un amoureux qui passe, la réalisatrice partage son amour avec pudeur. De ces vols d'oiseaux qu'on voit parfois danser dans les ciels d'été, composés de centaines d'individualités formant pourtant une masse compacte qui ondule, le film connaît les “à-coups” et la liberté folle. Le rythme saccadé, au diapason de la composition musicale signée par Martin Wheeler, donne parfois l'impression que l'ensemble s'effiloche. 

Avant de rebondir, rattrapé par un petit caillou lancé par la réalisatrice, comme ce lapsus qui lui fait dire “banquille” avant de s'en étonner, Jocelyne Desverchère ne nous montre ni comment faire l'amour, ni comment le dire ; elle dévoile simplement en plein cœur, avec une finesse infinie, un monde où le sentiment amoureux explose comme le soleil. Un monde où un baiser offert aux premières heures d'une année nouvelle vous élève plus haut qu'un immeuble. Amoureuse plurielle, talentueuse singulière, la réalisatrice offre un film mirifique... euh, pardon, magnifique. 

Amélie Galli

Article paru dans Bref n° 78, 2007.

Réalisation et scénario : Jocelyne Desverchère. Image : Alexis Kavyrchine. Montage : Alexandra Mélot. Effets spéciaux : Orian Pattesron. Son : Cédric Deloche, Nicolas Waschkowski et François Groult. Musique : Martin Wheeler. Interprétation : Thomas Salvador, Olivier Loustau, Lucia Sanchez, Arnaud Larrieu, Jérôme Bonnell, Julie Sicard, Emmanuel Finkiel, Niels Dubost, Francis Leplay, Maher Kamoun, Johan Leysen, Orso Miret, Pascal Cervo et Jocelyne Desverchère. Production : Les Films de la Grande Ourse.