Cahier critique 03/10/2018

"Irinka et Sandrinka" de Sandrine Stoïanov et Jean-Charles Finck

Sur les traces de ses aïeux.

Irinka et Sandrinka, ce sont des prénoms rêvés qui auraient pu être ceux d'Irène et Sandrine. Irène est la grand-mère de Sandrine, enfant de parents russes, et pourtant enfant de la Roumanie. Sandrine est la petite-fille française cherchant à en savoir plus sur ses origines slaves, à capter des souvenirs d’un pays et d’une époque qu’elle n’a jamais connus, des souvenirs d’une famille dont Irène est la dernière survivante.

L’imaginaire de Sandrine est peuplé de musique tsigane, de toques de fourrure, de miniatures et de dorures. C’est dans ces images recomposées par la réalisatrice qu'évoluent lrinka, sa grand-mère alors petite fille, et Sandrinka, la réalisatrice enfant.

Aux dessins se mêlent les photos des familles Baronov et Stoïanov, les grands-parents d'Irène, mais aussi les visages de Staline, des soldats de l'armée rouge, ou simplement d'anonymes passant dans la rue, se frayant un chemin dans la neige et le froid de la jeune Bessarabie roumaine. L'imaginaire de Sandrine vient se frotter, presque se heurter, à la réalité de l'histoire d'Irène, petite fille ballottée de grand-père en oncle, ayant perdu sa mère très jeune, puis réclamée par son père parti en France, et remarié. Mais cette histoire n'est pas seulement celle d'une petite Cosette, elle s'inscrit aussi dans la grande Histoire, celle de la Russie.

Irinka et Sandrinka pourrait être un conte, mais il est présenté comme une histoire personnelle. L'aspect documentaire est assumé, et même revendiqué. Le film s'ouvre sur les sons du magnétophone, Irène et Sandrine sont plusieurs fois représentées à l'image grâce aux dessins de Jean-Charles Finck, et l'on entend bien sûr la voix d'Irène qui raconte son enfance, de sa naissance à son arrivée à Paris ; mais aussi Sandrine, qui questionne, avec parfois une timidité dans la voix qui fait basculer le film dans la sphère de l'intime, d'un sentiment indicible.

lrinka & Sandrinka est un film qui questionne l'image, celle qu'on se fait des siens, à travers les éléments visuels du film, mais aussi des premières paroles d'Irène : “Pour moi, mon père, c'était une photo”, celle qu'on se fait de soi-même, celle qu'on garde, celle qu'on oublie et celle qu'on imagine.

Cécile Giraud

Article paru dans Bref n° 81, 2008.

Réalisation et image : Sandrine Stoïanov et Jean-Charles Finck. Son : Frédéric Meert. Montage : Jean-Charles Finck. Production : Je Suis Bien Content Productions.

En partenariat avec 

 

Entretien de Sandrine Stoïanov au sujet de “Irinka & Sandrinka” – 1Kult