Cahier critique 20/02/2019

“Hybrids” de Florian Brauch, Romain Thirion, Matthieu Pujol, Kim Thailhades et Yohan Thireau

Le désastre écologique comme si vous y étiez.

Mais quel est donc cet étrange poisson qui cherche désespérément de quoi se nourrir ? Ses écailles ne luisent pas ; un travail du son soigneux nous fait rapidement distinguer des bruits métalliques. Nous sommes décidément loin du conte de fée ou de Némo dans ce travail de fin d’études du MoPA. Le titre le confirme : Hybrids, animal de chair et de fer. Ou plutôt de fer et de sang, car ce poisson métallique ne tarde pas à se faire charcuter par ce qui rappelle un requin – notons que les signifiants de notre langue semblent parfaitement inappropriés aux monstres marins de cet océan dystopique. Lorsqu’on croit assister au comble du gore (les entrailles rougeoyantes d’un cadavre), arrivent des centaines de crabes-capsules qui nous laissent, une fois leur travail terminé, une image sans doute pire encore : un simple squelette, la mort, le néant, l’armature du rien du tout.

Parabole écologique ? Véritable scénario catastrophe ? Un monde de déchets se dégage des abîmes de ce film. Un monde brutal et sans pitié où il est impossible de dissocier la nature du mal que nous lui avons fait subir. Les réalisateurs traitent de la pollution comme d’une maladie qui colle à la peau des animaux. C’est un parasite qui se gangrène.

Au milieu de cette noirceur, les réalisateurs arrivent à créer de la beauté, un court moment de respiration. Une tortue hybride nage paisiblement ; de petites bêtes aux allures de lucioles l’entourent, comme pour le guider dans ces eaux troubles. Le bruit sourd de la plongée sous-marine nous entraîne sous l’eau… peut-être pour mieux nous entraîner par le fond. Une chose est sûre : nous n’en sortirons pas indemnes, ni maintenant, ni dans le futur. 

Un cri écolo, une prise de conscience face au désastre que nous produisons, tel est l’électrochoc que ce court métrage provoque. Par la finesse des images de synthèse, la fluidité des mouvements et l’évidence du message véhiculé, les cinq réalisateurs, Florian Brauch, Romain Thirion, Mathieu Pujol, Kim Thailbades et Yohan Thireau, réussissent à nous transporter à la fois cinquante ans plus tard et six pieds sous mer.

Anne-Capucine Blot

Réalisation et scénario : Florian Brauch, Romain Thirion, Matthieu Pujol, Kim Tailhades et Yohan Thireau. Musique originale : Vincent Govindin. Production : Mopa.