Cahier critique 21/09/2021

“Hammam” de Florence Miailhe

Deux jeunes filles se rendant pour la première fois au hammam vont nous guider et nous perdre...

Les charmes charnus (et mamelus) du hammam, récemment dévoilés dans le sillage d'un malicieux titi des terrasses tunisiennes (l'Halfaouine de Férid Boughedir), nous sont de nouveaux révélés - enluminés - dans la mouvance de deux délurées nymphettes, des parisiennes un peu punks.

D'abord un peu intimidées au seuil du sérail, puis grisées de gais gazouillis, croisant des nuées de Bilitis nubiles et volubiles que précéde le bourdonnement des tambourins. Emoustillées par de robustes rotondité, bientôt Eves sans voiles, elles déambulent avec grâce dans des moiteurs vaporeuses où évoluent des Vénus au bain : courbes et croupes harmonieuses, tétin doré, essaim de seins, odalisques alanguies, chorégraphies lascives, arabesques bariolées, chairs déployées, pétries par les mains expertes des masseuses. Un sanctuaire où des tentures s'ouvrent sur des vasques et jets d'eau (jeu des corps et des couleurs), des piscines où plongent des naïades dans une onde bleue turquoise, des miroirs où elles se mirent et se fardent, une mosaïque miroitante, rubis, orange, émeraude.

Ces épures (et étuves) pastellisées, peaufinées phase après phase sous la caméra, avec rapprochés sur groupes, visages et effets rémanents, prolongés de hiéroglyphes crayeux évoluant sur fond pourpre, est une première œuvre, fort prometteuse de Florence Miailhe, qui se réclame de l'assistance technique du peintre Robert Lapoujade, lequel, avec Peter Foldes et d'autres orfèvres, avait ouvert la voie à de passionnantes investigations ciné-plastiques au temps du Groupe de la recherche de l'ORTF. Une émulation plutôt en berne à l'heure actuelle, au profit d'une stratégie industrielle encore bien peu industrieuse.

Hammam, qui a cependant bénéficié d'une contribution financière de la commission d'aide séléctive du CNC, fut présenté en panorama lors des dernières festivités annéciennes. 

Florence a hanté près d'une année ces lieux secrets (où caméras et appareils photo sont prohibés), nantie d'un menu carnet de croquis en guise de viatique, pour saisir sur le vif attitudes et atmosphères. Son joyau (de moins de dix minutes de durée) resplendit (sporadiquement) sur Canal Plus. 

Michel Roudevitch

Article paru dans Bref n°10, 1991.

France, 1991, 9 minutes.
Réalisation, scénario et animation 
: Florence Miailhe. Image : Frank Nourisson. Montage : Natalie Perrey. Son : Fabienne Sacareau et Antoine Guében. Production : Paris-Plage Productions.