"Guaxuma" de Nara Normande
Une animation intimiste et sablonneuse.
Guaxuma s’ouvre sur l’image granuleuse et délavée d’une plage déserte qui place d’emblée le film sous le signe de la nostalgie. Dans ce court métrage intimiste, Nara Normande convoque avec finesse et créativité le souvenir doux-amer de sa terre natale, située dans le nord-est du Brésil. À Guaxuma, elle mène une enfance libre et joyeuse, proche de la nature (comme en témoigne la bande-son dominée par le bruit de l’eau et du vent) et grandit aux côtés de sa meilleure amie Tayra. Les pics d’oursins qui poussent sous leurs aisselles et les coquillages qui se développent sur leur buste figurent ainsi avec humour et poésie leur passage à l’adolescence. Un immeuble abandonné, où règne une obscurité effrayante, introduit cependant une note discordante, accentuée par un déménagement dans une ville aux allures de prison intranquille. La mort de Tayra achève d’abîmer ce portrait idyllique : l’aspect éclaté de la scène, les couleurs noires et vives ainsi que la musique dramatique, en rupture avec le reste du film, traduisent le caractère traumatique de l’évènement.
L’utilisation du sable sous différentes formes (prise de vue réelle, marionnettes, sable mouillé, sable 2D sur verre) permet à Nara Normande de composer un film d’une grande richesse esthétique, où chaque réminiscence possède une tonalité et un degré de précision qui lui est propre. Elle s’en sert également pour créer de savoureux raccords, à l’image de cette chute au sein d’une abîme rocheuse qui se transforme en plongeon dans l’eau ou des convives d’une fête, dont la silhouette émane de la fumée d’une cigarette. Cette plasticité rapproche le sable de la mémoire, qui déforme les souvenirs : en voix-off, la cinéaste se demande ainsi si elle n’a pas inventé l’une des anecdotes qu’elle raconte. Il s’agit également d’une matière fragile, qui s’envole au moindre coup de vent, semblable au temps qui passe et efface tout sur son passage : « les choses qu’on croit les plus fortes et belles, peuvent disparaître un jour » dit la réalisatrice à propos de sa meilleure amie. Si ses souvenirs finissent par s’envoler sous la forme de grues en papier, son étreinte immobile avec Tayra au milieu d’un décor qui défile en accéléré, est la preuve que leur amitié, elle, résiste à l’épreuve du temps.
Chloé Cavillier
Réalisation et scénario : Nara Normande. Image : Maíra Iabrudi, Pedro Sotero, Simon Gesrel et Jean-Louis Padis. Animation : Sylvain Derosne, Diego Akel, Nara Normande, Clémence Bouchereau, Julien Laval, Abi Feijó, Tãnia Duarte, Sofia Gutman, Aurore Peuffier, Mélody Boulissière, Anne-Lise Némorin et Gervaise Duchaussoy. Montage : Eduardo Serrano. Son : Normand Roger, Emmanuel Croset et Silvino Patricio G. Becerra. Production : Les Valseurs.
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