Cahier critique 23/04/2024

"Fille du calvaire" de Stéphane Demoustier

Jérôme est tombé amoureux d’une jeune femme qu’il essaie de séduire. Jour après jour, il raconte l’évolution des opérations à son ami Patrick, qui lui dispense ses conseils et vit par procuration ses aventures.

Dans Fille du calvaire, Stéphane Demoustier (remarqué pour Des nœuds dans la tête, interprété par Anaïs Demoustier et Grégoire Leprince-Ringuet, en 2010) met en scène le calvaire d’un jeune homme pour conquérir une fille. Jour après jour, Jérôme relate l’évolution des opérations à son ami Patrick, qui lui dispense ses conseils en retour.

Ce court métrage où se succèdent des séquences de dialogues entre les deux hommes rencontre l’attrait sucré qu’ont ces manuels axés autour des liaisons dangereuses et amoureuses envers lesquels le cinéma semble infiniment tributaire. Or, ce qui semble renversant ici n’est pas ce discours (vu et entendu cent fois), mais l’efficacité aristotélicienne dont le réalisateur fait preuve.

Situé presque uniquement dans un wagon de métro (unité de lieu) nous suivons pas à pas (unité fragmentaire du temps) les méandres de l’amoureux (unité d’action). Cette théâtralité aménage une profondeur de champ inespérée : tout en restant immobile, ce film nous transporte et raconte une histoire. Le rôle principal est peut-être moins celui de Jérôme que celui de Patrick, au visage accueillant et curieux, expressif et attentif, qui se délecte des aventures de son ami. Ainsi le final jette en dehors du métro non pas Jérôme, mais Patrick, qui semble pleinement fêter une victoire. Laquelle ? Celle qui l’aura fait revivre.

Revivre. On voudrait revivre. Ça veut dire : On voudrait vivre encore la même chose”, chante Gérard Manset dans Holy Motors de Leos Carax. Vivre par procuration, c’est là toute l’aventure du cinéma – et celle du sport (du foot, en l’occurrence) –, semble nous dire de son côté Stéphane Demoustier.

Donald James

France, 2012, 20 minutes.

Article paru dans Bref n°104-105, 2012.

Réalisation et scénario : Stéphane Demoustier. Image : David Chambille. Montage : Mathilde De Romefort. Son : Emmanuel Bonnat, Francis Bernard et Antoine Bailly. Musique originale : Grégoire Letouvet. Interprétation : Denis Eyriey et Antoine Mathieu. Production : Année Zéro.