Cahier critique 06/11/2019

"Enzo" de Serena Porcher-Carli

Un subtil film d’école sur la transidentité.

Enzo, documentaire de fin d’études de Serena Porcher-Carli à l’École nationale supérieure Louis-Lumière, raconte le quotidien, en 2017, d’une femme devenue homme.

Le film est constitué, non pas d’images filmées, mais de photographies qui défilent les unes après les autres, alors qu’Enzo se raconte. Sa voix accompagne donc sans cesse les images, mais de son corps et de son visage, nous ne voyons que des détails pendant la majeure partie de ce film court, des détails cependant signifiants : une barbe, des jambes poilues, sa main. L’appartement d’Enzo, l’espace qui semble être son refuge, prend une grande place dans ces images. Mais, de même, ce sont avant tout des parts de l’ensemble que nous découvrons : le lit, une carte postale de la grand-mère, des photographies de la famille ou de chats.

Enzo commence en reprenant des anecdotes de son quotidien, notamment depuis son traitement hormonal et la mastectomie qu’il a vécue, c’est-à-dire l’ablation des seins, opérations lui ayant permis de changer de sexe. Sa transsexualité n’est pas abordée de plein fouet, mais donc d’abord à travers des exemples concrets qui rendent évidentes les difficultés vécues en société, dans l’attente de son nouvel état-civil masculin. À chaque fois qu’il est confronté à son ancienne identité, il se retrouve dans une impasse : pour un colis à la poste, lorsqu’on l’appelle dans la salle d’attente chez le médecin, lors d’un entretien... Comment expliquer ?

Pourtant, pas besoin pour le spectateur de voir son visage ; déjà, à travers la voix d’Enzo, on entend la libération et le soulagement de vivre en tant qu’homme, d’abord pour lui-même. Quelques phrases retracent le mal-être de cette époque où il percevait son corps comme quelque chose de monstrueux. Mais c’est avec du souffle que s’achève ce film, qui en est finalement bien un puisque, après tous ces détails, nous découvrons Enzo, non plus photographié mais filmé, de face, sans un mot. Le mouvement a remplacé les mots ; les mots étaient le passé, le mouvement est l’avenir et la vie.

Léocadie Handke

Réalisation, scénario, image et montage : Serena Porcher-Carli. Son : Claire Berriet et Margot Saada. 
Production : École nationale supérieure Louis-Lumière.

Rencontre avec Serena Porcher-Carli, réalisatrice du court métrage Enzo :