Cahier critique 16/12/2020

“Entracte” d’Anthony Lemaître

Yacine et ses deux potes veulent à tout prix voir “Fast & Furious 8” dans leur multiplexe de banlieue. Hélas pour eux, ils n’ont que les moyens d’aller voir la séance de ciné-club. Pour Yacine, ce qui devait être un stratagème va se transformer en expérience étonnante.

Diffusé avec l’aimable autorisation de France Télévisions

 

Avec Entracte, Anthony Lemaître franchit un cap dans son jeune itinéraire cinématographique déjà riche de plusieurs réalisations – Le gang des postiches (2013), Henri (2014) et la web série Authentik. Si le récit part d’une situation que le réalisateur a déjà filmée, à savoir la réunion de plusieurs jeunes d’une cité qui se retrouvent, soit pour faire un coup, soit pour évoquer un fait divers, c’est ici plus précisément le cinéma qui se retrouve au centre de ce nouveau film court, ce qui laisse à penser qu’Entracte est un film plus personnel que les deux précédents. Le plaisir premier du film vient de sa manière de relire le grand mythe de la fraude adolescente au cinéma. Yacine et ses deux potes veulent aller voir le nouveau Fast & Furious, ce qui engendre d’entrée de jeu une discussion savoureuse sur les qualités et défauts des différents chapitres de cette saga automobile, que n’auraient pas renié certains personnages de Quentin Tarantino. 

Mais comment faire pour entrer à l’œil dans la salle, ou en déboursant un minimum ? Les trois ados tentent la tchatche avec le vigile, qu’incarne le cinéaste lui-même, avant d’opter pour l’achat de billets les laissant entrer à la séance de ciné-club : Le voleur de bicyclette, sans pour autant avoir un désir fulgurant de voir ce classique du néo-réalisme italien. Il s’agira juste de s’acquitter de billets moins chers pour passer dans la salle d’à côté. Mais Yacine fera le chemin vers la découverte cinéphile en restant jusqu’au bout du film, qu’il ne voulait pas voir et qui, surtout, lui raconte quelque chose de sa propre relation, difficile, avec son père. C’est dans la cristallisation de ce moment que naît l’émotion de ce film peut-être un poil naïf, mais totalement sincère. Avec Entracte, Anthony Lemaître raconte comment l’art (en l’occurrence un film) peut changer un être, même momentanément, et faire prendre conscience de l’essence d’une relation humaine. 

Bernard Payen

Réalisation : Anthony Lemaître. Image : Sébastien Goepfert. Montage : Julie Picouleau. Son : Hadrien Bayard et Antoine Martin. Interprétation : Mariama Gueye, Iliès Kadri et Titouan Labbé. Production : Tripode Productions.