Cahier critique 27/03/2019

“Émilie Muller” d’Yvon Marciano

Un court métrage culte, à voir ou à revoir !

Avec Émilie Muller, le réalisateur Yvon Marciano remporta un succès éclatant et durable à travers les festivals, en France et à l'étranger. Cette popularité s'explique en partie par la simplicité de l'histoire et de la structure du film, touchant d'une façon directe, sans détours. 
Émilie décide de participer à un casting presque par hasard, l’amie qu’elle devait accompagner s’étant désistée au dernier moment. Pour l’exercice, le réalisateur du film en préparation, qui n'est autre qu'Yvon Marciano, lui demande alors de “vider son sac”. D'abord au sens littéral, puisqu'elle doit sortir un à un les objets qui s'y trouvent, mais aussi se dévoiler à travers eux, tisser des liens avec sa vie de tous les jours. Peu à peu, une histoire naît alors, la sienne peut-être, ou celle de plusieurs vies qu'elle mêle, on ne le saura jamais vraiment. 
Après un court et vif instant de musique où la jeune femme entre dans le studio, apportant d'ores et déjà au récit sa tonalité atemporelle et romantique, le dialogue se met en marche. D'abord, un plan large où le réalisateur, seulement vu de dos, explique l'exercice à Émilie, donnant à voir le visage de celle-ci dans le retour vidéo, un cadre dans le cadre qui annonce l'entrée dans le champ du jeu et de l'invention. Puis, un plan rapproché sur la jeune femme, presque jamais interrompu. Avec ce temps, commence une parenthèse qui, aidée par la lumière gracieuse sur le visage de Veronika Varga, ce noir et blanc envoûtant balance le spectateur entre rêve et réalité. En contraste, on pense à Castingfilm allemand de Nicolas Wackerbarth sorti il y a peu, à l'atmosphère bien différente, ultra-réaliste et glaçante, et où chaque essai est sans cesse interrompu par les exigences de la réalisatrice, les problèmes des comédiens...

Dans ce court de 1993, l’ambiance est douce, la réalité sociale mise de côté, la femme a une féminité et une coquetterie – quelque fois irritante – aujourd’hui peut-être plus rarement visibles à l'écran, où certaines femmes sont montrées comme très combattives, prêtes à tout. Là, pas de conflit, le film coule doucement, laissant la confidence et l'intimité envelopper l’histoire. Et ce jusqu'à l'ultime rebondissement, peut-être un peu trop mis en avant, qui rompt avec cette parenthèse. Finalement, ce casting ce sera bien terminé. Comme Émilie le dit à propos des petites annonces du journal trouvé dans son sac, quelques secondes peuvent changer une vie, et savoir saisir la chance offerte par le hasard peut être le début d’une aventure.

                                                                                                           Léocadie Handke
 

Réalisation et scénario : Yvon Marciano. Image : Pierre Befve. Montage : Marianne Rigaud. Son : Xavier Griette. Interprétation : Veronika Varga, Yvon Marciano et Olivier Ramon. Production : Gradiva Films.