"Demolition Party" de Marie Amachoukeli et Claire Burger
Il y a une dernière fois à tout, et aujourd’hui c’est la fin du monde.
Si Demolition Party présente un synopsis proche de block-busters comme 2012 ou Le jour d'après de Roland Emmerich, il n'aura pas grand-chose en partage avec eux. Se rendre à Bugarach, dans les Pyrénées (ce village perdu mis sur le devant la scène en 2012 du fait qu'il était censé abriter un refuge contre l'apocalypse imminente), constitue ici la quête de Salomé et Jean-Benoît tandis que la radio émet d'insistantes rumeurs de fin de monde. Mais on peut tout autant considérer qu'ils fuient quelque chose, un désœuvrement, une insatisfaction, peut-être pire. Suivant les codes du road movie, le duo devient trio ; rencontrée à une station-service, Camille grimpe dans le camping-car et l'on découvre par elle que ce frère et cette sœur jouent à la der des ders de tout, sérieusement et sans entrave – Salomé profite de cette nouvelle présence pour s'adonner à la jouissance saphique. Mais tous les lieux communs énoncés par Marie Amachoukeli et Claire Burger sont parcourus par une dimension dysfonctionnelle, une angoisse manifeste, mais aussi une violence qui menace régulièrement de gagner cet attelage.
Si l'on retrouve les accents naturalistes de C'est gratuit pour les filles (2010, voir Bref n° 88 et supra page 16), les cinéastes y joignent des contrepoints stylisés (ralentis, usage de musiques planantes) allant dans le sens du “film-trip” gagné par la science-fiction – particulièrement les jeux avec les sources lumineuses dans l'obscurité rappelant Rencontres du troisième type de Steven Spielberg. Si le road movie se manifeste par le déplacement, la rencontre et l'interaction, il aboutit souvent à un voyage intérieur, à la découverte de soi-même, à une réconciliation. Ici, après une nuit dans une étable, on est tenté par une allégorie de la nativité ; au petit matin, deux individus semblent renaître.
Arnaud Hée
Réalisation : Marie Amachoukeli et Claire Burger. Scénario : Claire Burger, Marie Amachoukeli et Louis-Paul Desanges. Image : Ronan Boudier et Julien Poupard. Montage : Fréderic Baillehaiche et Claire Burger. Son : Mathieu Villien, Fanny Martin et Sébastien Pierre. Interprétation : Camille Ducellier, Salomé Richard et Jean-Benoît Ugeux. Production : Dharamsala.