Cahier critique 01/04/2020

« Coming-out » d’Olivier Ayache-Vidal

Omar Sy va faire une révélation inouïe !

Dès la première séquence de ce court métrage de huit minutes et quelques, on sent que quelque chose cloche… Une musique jazzy sensuelle souligne un gros plan ras de sol sur des chaussures qui descendent d’une voiture. Atmosphère sexy, la nuit est tombée, nous attendons le rendez-vous amoureux. Le plan suivant met fin à ce fantasme… Plan moyen : les barreaux d’une grille au premier plan et Omar Sy, en sweat, qui s’avance vers la caméra, jusqu’à ce que son visage envahisse le cadre et soit par conséquent légèrement déformé. Il sonne, surprise de l’autre côté de l’interphone : on ne l’attendait pas avant 20h. Plan sur la montre du jeune homme : il est 19h55… Premier gag, premier décalage entre les deux personnages principaux. Cette entrée en matière dure jusqu’à l’entrée du personnage d’Omar Sy dans l’appartement de Cathy, jouée par Stéphanie Lagarde. Portes qui claquent et se verrouillent, “buzz” des portes du hall qui rappelle celui des cellules de prison, apparition du titre sous forme de barres : tout cela s’ajoute aux barreaux devant la tête du personnage de la première séquence pour indiquer le piège qui se referme. Ce n’est pas un rendez-vous amoureux auquel nous aurons affaire, mais un guet-apens.

En effet, on sent immédiatement une gêne totale de la part du personnage masculin, qui n’a de toute évidence rien à faire là. Tout est rangé, ordonné, et lui est grand et touche aux objets, qui seront méticuleusement replacés par Cathy ensuite. Cette dernière, elle, déploie toute son exubérance, parle beaucoup, avec les mains, et se colle à celui qu’elle a choisi de présenter à ses parents, quand bien même ils ne se connaissent que depuis exactement une semaine. “Anniversaire” qu’elle tient à célébrer en offrant un briquet qui émet de la musique à son compagnon… qui a arrêté de fumer. Plus ça va, plus le malaise grandit, on sent bien que le garçon veut se sortir de là, qu’il a quelque chose sur le cœur. Il lâche alors la bombe : “Je suis noir.” Simple phrase qui déclenche des hauts de cœur chez la jeune femme, visiblement abasourdie. La dispute qui s’en suit ne fait qu’accentuer l’absurdité de la situation. D’autant plus que tout dans la mise en scène est banale, pas de “débullage”, ni de déformation ou de rythme qui s’accélère. Seuls les acteurs en font trop, comme pour souligner l’ironie du film.

Le réalisateur crée ainsi un équilibre difficile entre le malaise qui persiste devant l’outrance raciste et l’humour qui transpire du texte. Une dernière scène, qui montre Omar Sy retourner à sa voiture et à… sa copine officielle, entérine cet univers parallèle où cela ne se voit pas que les Noirs sont noirs, mais où cela est pourtant une tare. Il fallait oser entreprendre ce pas de côté pour aborder la question du racisme – et en rire !

Anne-Capucine Blot

Réalisation et scénario : Olivier Ayache-Vidal. Image : Arnaud Potier. Montage : Julie Blasenhauer. 
Son : Cécile Foucher, Jean-Luc Cesco et Grégoire Couzinier. Interprétation : Omar Sy,
Stéphanie Lagarde et Blanche Veisberg. Production : Entropie films.