“Catavento” de João Rosas
C’est l’été à Lisbonne et Nicolau est un garçon indécis. Parmi ses doutes concernant sa poursuite d’études en université et le genre de fille qu’il devrait choisir pour petite amie, Nicolau passe ses journées à essayer de comprendre qui il aimerait être quand il sera plus grand. Le problème, c’est que, sur le point de terminer son année de terminale, il est déjà grand sans pourtant avoir les idées claires.
Le jury du Festival de Brive a en 2021 accordé sa mention spéciale à Catavento, cinq ans après que le précédent moyen métrage de João Rosas, Maria do Mar, se soit vu sélectionné en compétition. D’un film à l’autre, un personnage revient, prénommé Nicolau et incarné par le jeune Francisco Melo. Enfant, celui-ci apparaissait déjà dans Entrecampos (2013), et on le retrouvait à quatorze ans, subjugué par la beauté picturale de Maria. Il est aujourd’hui, du moins dans Catavento, en train de finir le lycée et cherche sa voie en une insoluble indécision.
Le titre du film évoque la figure de la girouette et l’écriture s’en nourrit, à la fois sur les perspectives d’avenir du jeune homme – il n’en a aucune et ne parvient même pas à se décider sur un domaine précis d’études supérieures – comme sur les errements de sa vie sentimentale. Est-il vraiment tombé amoureux de la sémillante Carlota, issue d’un milieu aisé et qu’il veut suivre dans un cursus de management qui ne lui ressemble aucunement ? Ou de Mariana, au visage ovale “raphaélite”, qu’il connaît depuis leurs onze ans – elle était au centre d’Entrecampos – et considère comme une sœur, sans percevoir autre chose dans leur proximité ? Ou encore Constança, cette autre amie qui finalement s’en va voir ailleurs, à savoir le bohème Vasco ?
On pense à l’univers d’Emmanuel Mouret, notamment le triangle de Promène-toi donc tout nu (1999), et bien sûr, à la saga d’Antoine Doinel. Nicolau est souvent sur la réserve, gauche, touchant et drôle aussi (voir sa candeur à laisser penser à Carlota qu’il ne l’avait pas vue sur la plage – déserte ! – où il l’a suivie, se plongeant, mine de rien, dans le très sérieux Financial Times). João Rosas se garde pourtant du pur hommage ou de la citation, même s’il connaît manifestement Rohmer sur le bout des yeux (la jeune interprète de Carlota rappelle Laurence de Monaghan dans Le genou de Claire) et pose les contours de son style, où les anfractuosités de falaises au bord de l’océan servent d’écrin aux désirs et fantasmes du jeune homme, dans Catavento comme dans Maria do Mar.
Le roman d’apprentissage trouvera une conclusion fort ironique, puisque Nicolau décide de confier à une autre fille, dont il vient tout juste de faire connaissance, le soin de choisir son orientation à venir, persuadé d’avoir enfin trouvé celle avec qui les choses pourraient coller. Sans doute à tort, une fois de plus… De toute évidence destiné à se lancer dans une direction artistique – ce qui est clair pour tout le monde, sauf pour lui –, Nicolau peine à trouver sa place, à se voir tout simplement, sinon à travers l’image qu’il voudrait renvoyer, motif à nouveau “doinélien” (faut-il rappeler la fameuse scène du miroir dans Baisers volés ?). Dans les années 2020, la confusion des sentiments se traduit aussi, pour la jeune génération, à la confrontation complexe à un futur plus incertain que jamais. “Fais ce que tu veux”, lance à Nicolau la compagne de son frère aîné : encore faut-il le savoir, et c’est tout sauf une évidence, nous suggère le réalisateur.
Christophe Chauville
Article paru dans Bref n°127, 2022.
En partenariat avec
Portugal, 2020, 41 minutes.
Réalisation et scénario : João Rosas. Image : Paulo Menezes. Montage : Luís Miguel Correia. Son : Paulo Cerveira. Interprétation : Francisco Melo, Francisca Alarcão, Rita Poças, Beatriz Forjaz et Simão Márcia. Production : Terratreme Filmes.