Cahier critique 26/09/2018

"Caresse" d’Emmanuel Mouret

Lorsqu’une jeune femme au prénom délicieux (Caresse) débarque dans votre vie...

Aimer. Séduire. Manipuler. Intriguer. Se venger. On pourrait prendre l’argument publicitaire trônant sur les affiches de Mademoiselle de Joncquières et les accoler à la plupart des autres films d’Emmanuel Mouret. À Caresse notamment.

Caresse est l’un des trois films que Mouret réalisa il y a une vingtaine d’années dans le cadre de ses études à la Fémis. Comme dans Promène-toi donc tout nu, moyen métrage qui sortit en salles en 1998 (accompagné justement de ce court), le réalisateur tient le rôle principal masculin, inventant une précieuse figure comique qu’il déclinera ensuite dans nombre de ses films. Ce personnage de séducteur malgré lui, de tombeur velléitaire, maladroit et touchant, il ne l’incarnera pas, pourtant, dans L’art d’aimer (récit choral où manquera un peu sa dégaine), ni dans ses films rompant le plus, en apparence, avec le marivaudage rohmérien (le teen movie Vénus et Fleur, le mélo Une autre vie, le film en costumes Mademoiselle de Joncquières).

Il faut pourtant relever un paradoxe savoureux dans cette présence en pointillés de l’auteur/réalisateur en comédien de ses propres films car, toujours, chez Mouret, les femmes mènent le bal, expérimentent des pistes, redistribuent les cartes des jeux de la séduction. Actrices agissantes écrivant, par leurs actes, des histoires d’amour aux circonvolutions inattendues (l’homme, presque toujours, est leur jouet, dût-il, tel Édouard Baer dans Mademoiselle de Joncquières, payer a posteriorile prix d’une illusoire impunité à multiplier les conquêtes). 

C’est particulièrement vrai dans Caresse, ébauche d’un système narratif appelé à se développer, avec le personnage féminin éponyme racontant à Clément un rêve aussi énigmatique que symbolique. Ce récit est un déclencheur, l’étincelle sans laquelle il n’y aurait de film, comme le sera souvent une histoire que l’on raconte, imbriquée dans la narration, dans d’autres films de Mouret (dans Un baiser s’il vous plaîtpar exemple). Peut-être le rêve raconté par Caresse n’est-il, après tout, comme les machiavéliques inventions de madame de La Pommeraye dans Mademoiselle de Joncquières, qu’une fable destinée à piéger Clément. Ce récit, providentiel, est, en tout cas, ce qui extraira Clément de plans liminaires nous le présentant seul, démuni, servant mal des balles s’échouant dans le filet d’un court de tennis grillagé.

Soit une morale aisément applicable à d’autres films du cinéastes : (se) raconter une histoire pour déjà vivre un peu.

Stéphane Kahn

Réalisation et scénario : Emmanuel Mouret. Image : Aurélien Devaux. Son : Ludovic Escallier, Sébastien Demonchy, Benoît Iwanesko, Lionel Cerisola et Pierre André. Interprétation : Bénédicte Bosc, Emmanuel Mouret, Sébastien Demonchy, Madame Lila. Production : La Fémis.

 

Bande-annonce de Mademoiselle de Joncquières, long métrage d'Emmanuel Mouret :