“Capitaine Achab” de Philippe Ramos
Quand Philippe Ramos s’inspire du Moby Dick d’Herman Melville.
Nous savions Philippe Ramos soucieux de précision et attaché à l'évidence photographique de ses prises de vue. Composé comme un livre d'images, ce film semble témoigner de ce qui anime tout le cinéma de cet auteur : un sens du cadre et un désir vrai, immédiatement perceptible, de filmer, ce qui ne se rencontre pas si fréquemment que nous puissions l'ignorer.
Capitaine Achab se présente également comme l'ébauche d'un film de long métrage à venir. Et pourtant, il ne lui manque rien. Plus, mieux qu'une esquisse, ce film peint, qui fait montre d'un sens éminemment tactile, peut bien être un premier essai. Il ne peut, en tout cas, pas être considéré comme un travail simplement préparatoire à un film en gestation, mais bien plutôt comme une version ou une variation sur un thème qui autorise peut-être la pluralité des traitements. Et pour ce film, Philippe Ramos a choisi de proposer plusieurs tableaux du capitaine Achab, le héros du Moby Dick de Melville, qui poursuit avec passion, amoureusement, l'animal qui lui a pris sa jambe. Philippe Ramos est un peintre et, une fois encore, il témoigne de sa maîtrise et de son savoir-faire en matière d'élaboration des couleurs.
Le parti pris esthétique de la voix off – choix salutaire de la simplicité ? – permet de préserver l'origine littéraire de cette composition, sans que les phrases elles-mêmes ne minorent ou, les écrasant, ne rendent accessoires les scènes, presque autant de plans fixes, qui "présentifient" pour notre regard les différents âges du capitaine. Quant à la baleine et à l'exploit de la chasse qu'elle suscite, il nous est demandé d'en imaginer la silhouette, à partir de la seule blancheur d'un corps féminin, dont la nudité traduit avec une évidence déconcertante ce que la quête du capitaine Achab peut avoir de déraisonnable, d'éperdu et d'irrésistible à la fois.
Rodolphe Olcèse
Article paru dans Bref n°62, 2004.
Réalisation et scénario : Philippe Ramos. Image : Laurent Desmet. Montage : Sophie Deseuzes. Son : Philippe Grivel. Interprétation : Aymeric Descrèpes, Patrice Léopold, Aristide Demonico, Alexis Loquet, Valérie Crunchant, Mona Heftre, Frédéric Bonpart et la voix off de Jean-Paul Bonnaire. Production : Les Films Hatari.