“Camille sans contact” de Paul Nouhet
Paris, l’été. En passant à la caisse de Camille, Max a une révélation. Il en parle à Flo, son meilleur ami.
Au cœur de l’été dans un supermarché de quartier Diagonal, un échange de regard entre deux jeunes gens : Camille, une douce jeune femme à la caisse, et Max, un jeune client fébrile. Ils se connaissent, elle le tutoie. Mais quelle est véritablement la nature de leur relation ? À l’entendre, c’est comme si Max se persuadait qu’il était déjà en couple avec Camille. “Je suis son mec !”, affirme-t-il à un moment. En réalité, il n’ose pas lui parler, trop timide, a peur de déclarer sa flamme et s’illusionne. “J’ai besoin de vivre ma propre vie. Je dois me concentrer sur moi”.
Au cœur du film s’égrènent les confidences qu’il fait à son meilleur ami, Florent, dans une pure tradition cinématographique rohmérienne, sur un vélo, dans un vidéoclub, sur une terrasse ou en marchant. Le trajet est bien sûr fondamental dans l’écriture filmique de ce conte intemporel qui explore les intermittences du cœur. La conclusion du récit en dit long sur la projection amoureuse, la fiction qu’on se raconte à l’égard d’un être aimé. Et même si le ton est volontairement sans âge, presque désuet (le vidéoclub), le film est évocateur de nos sociétés contemporaines, très individualistes.
Avec son thème de fugue musicale jouée à la flûte, Camille sans contact appartient sans nul doute à la catégorie des films distillant, sans prétention aucune, un charme poétique. Cette tonalité avait été développée par le réalisateur, étudiant en montage à la Fémis, dans un autre film court, Les méduses de Gouville (2018), dans lequel il incarnait déjà un jeune homme décalé, attiré cette fois par la petite amie de son frère. Les miniatures intimes de Paul Nouhet ont reçu un écho plus large quand Camille sans contact a été sélectionné dans la compétition des courts métrages du Festival de Cannes en 2020.
Au-delà du dialogue d’amis sur la gent féminine, la peur de s’engager ou non, le récit est émaillé de rencontres toutes plus savoureuses les unes que les autres, apportant un burlesque discret. Le militaire en permission tout d’abord, celui qui part du fond de l’écran et du début du film pour atteindre une trajectoire inattendue en fin de récit. Ou encore l’homme en costume qui se jette à l’eau, sans pour autant que ce geste soit celui, dramatique, d’un suicidaire. Ou encore l’enfant arnaqueur et sa grande sœur. Toutes ces figures légères, étranges ou mélancoliques, évoluent dans un univers très lumineux, où les nombreuses touches de couleurs aux quatre coins du cadre (vêtements, arrière-plans…) sont savamment étudiées, par contraste, dans un film qui, au fond, traite de la solitude.
Bernard Payen
France, 2020, 15 minutes.
Réalisation et scénario : Paul Nouhet. Image : Pauline Doméjean. Montage : Dinah Ekchajzer. Son : Guillaume Arditti et Alphonse Armant et Laura Chelfi. Interprétation : Paul Nouhet, Édouard Rérolles, Lou Gala, Pierre Gandar, Agathe Vidal et Clément Bazier. Production : Les Films du Sursaut.