Cahier critique 26/02/2020

"Beautiful Loser" de Maxime Roy

Portrait punk d’un écorché vif.

En un monologue brûlant, Michel fait part de son impuissance face au chaos ambiant de son quotidien : il vient de rompre avec sa nouvelle compagne, doit s’occuper d’un nouvel enfant, encore nourrisson, et se débat avec ses nombreuses addictions. S’il est filmé en gros plan, c’est pour être au plus près de son désarroi et esquisser un portrait authentique.

 Inspiré par la vie tourmentée de son personnage principal joué par François Créton, Beautiful Loserqui a été par la suite décliné en long métrage sous le titre Les héroïques, cf. Bref n°125 – nous embarque dans un récit abrupt, fait d’épreuves quotidiennes et d’un réel intraitable. Michel, cinquantenaire échevelé, n’est pas suffisamment fiable selon la mère du bébé, Hélène ; il semble être resté empêtré dans son adolescence contestataire. Il s’exprime en verlan, à l’image de sa vie sans/sens dessus-dessous, bloqué dans une “jeunesse” punk des années 1980. Sur son blouson en cuir, on peut lire “Loser” comme un mantra puéril à mettre en valeur, ou le signe d’un temps révolu dont on n’arrive pas se défaire tout à fait.

Le film – nommé aux César 2020 – avance par à-coups. L’homme, usé par les drogues, fait face aux situations tant bien que mal ; il improvise, ce qui provoque des incidences sur la mise en scène, heurtée – comme cette virée dangereuse avec le bébé en moto. La caméra tente de capturer un corps en souffrance, une silhouette frêle et fragile, mais d’une vitalité qu’on devine intérieure. Dans un style naturaliste, brut, filmé dans des plans serrés, au soubassement documentaire, mais sans pour autant perdre de vue la portée fictionnelle, presque mélodramatique, le réalisateur semble vouloir, en creux, montrer une société en colère (on aperçoit un graffiti, inscription hargneuse en arrière-plan : “Collectif Baras en colère en France”) et le projet serait ainsi de donner un visage et une voix à ceux qui sont marginalisés.

Dans Sole Mio, son opus suivant et plus convaincant encore, Maxime Roy filme également une quête de soi et les relations conflictuelles entre un père et son fils émaillées de questionnements sur l’identité sexuelle. Ici, père et fils passent leur soirée à rapper, à clamer des paroles aux pulsions suicidaires, à transformer le malaise social en poésie, aspirant à une certaine complicité, notamment dans une séquence au clair-obscur prenant. Même dans toute cette noirceur, l’espoir n’est jamais bien loin. Dans les derniers instants, Michel berce son nouveau-né, en une image matricielle, et réactive son corps dans un geste empli de tendresse. Ce “beau perdant” s’élance alors vers des horizons plus apaisés.

William Le Personnic

Réalisation : Maxime Roy. Scénario : Maxime Roy et François Créton. Image : Xavier Sylvestre Bru.
Montage : Clément Candelara et Alice Plantin. Son : Julien Sena, Patrick Dubois, François Fayard
et Martial De Roffignac. Musique originale : Pierre Rousseau. Interprétation : François Créton,
Roméo Créton, Youssef Hajdi et Romane Bohringer. Production : TS Productions.