Cahier critique 20/11/2019

"Beach Flags" de Sarah Saidan

Un hymne à l’émancipation et à la sororité.

Le coup de crayon de Sarah Saidan, jeune réalisatrice formée à Téhéran, puis à La Poudrière, n'est pas sans rappeler celui de Marjane Satrapi. Épure du trait, densité des noirs, comme pour mieux mettre en valeur la détermination et la vitalité des personnages.

Vida, la jeune héroïne de Beach Flags… porte bien son nom. Débordante d’énergie, plus rapide que toutes, elle est la favorite d’une équipe de nageuses-sauveteuses qui se prépare à l’épreuve du “beach flag”, en vue d’une prochaine compétition internationale. En Iran, cette course sur la plage est la seule épreuve à laquelle les femmes ont le droit de participer, car elles peuvent concourir habillées et voilées. Toutes les épreuves en maillot de bain leur sont, quant à elles, interdites.

Les thèmes de la noyade et du sauvetage déclinés tout au long du film font ressentir de façon subtile combien cet entraînement sportif pourtant hyper codé et encadré peut représenter un espace de liberté pour ces jeunes Iraniennes. Gagner l'épreuve, c’est pour l’une d’entre elles la possibilité de partir au loin, jusqu’en Australie. Leur course éperdue vers la mer pour s'emparer d'un drapeau blanc devient alors une image forte de ce besoin d'émancipation. S’entraînant dans un enclos qui les protège du regard des hommes, les femmes courent pour elles-mêmes, mais aussi pour toutes les autres ; et la solidarité féminine aura bien vite raison de l’esprit de compétition.

Les à-plats noirs des voiles portés par cette petite communauté de femmes semblent se dissoudre peu à peu dans la douceur des couleurs et des lumières qui baignent le film. Dans ce même mouvement, l’omniprésence du motif de l'eau – de l'étendue infinie de la mer au quadrillage des rizières, des profondeurs angoissantes d’un bassin de piscine à la tristesse d'une flaque – donne aux images une fluidité, une sensualité qui contraste avec la rudesse de la réalité ici décrite. Débutant par une épreuve cauchemardesque d'apnée et se terminant par un cri de victoire dans un haut-parleur, Beach Flags… dénonce avec finesse l'absurdité de la société iranienne et, grâce à l'énergie de ses figures féminines, nous fait entrevoir une belle lueur d'espoir.

Amanda Robles

Article paru dans Bref n°115, 2015.

Réalisation et scénario : Sarah Saidan. Animation : Sarah Saidan, Jumi Yoon, Eloïc Gimenez et Armelle Mercät.
Montage : Hervé Guichard. Compositing : Jean Bouthors et Benoît Razy. Son : Lionel Guenoun et
Matthias Chaumet. Musique originale : Yan Volsy. Production : Sacrebleu Productions.

Avec le soutien de la 

Entretien avec Yan Volsy, compositeur du film Beach Flags :