Cahier critique 17/04/2019

“Bal de nuit” de Clémence Madeleine-Perdrillat

Dans l’intimité des nuits sans sommeil.

Un souffle, une respiration, un temps. C’est ainsi que l’on pourrait caractériser le troisième court métrage de Clémence Madeleine Perdrillat, comme une ode à la nuit, et peut-être avant tout une allégorie de la danse. En effet souffle, respiration et temps sont les composantes d’une chorégraphie que l’on retrouve ici régulièrement.

Une jeune femme se lève, il fait nuit. Elle quitte des draps et un homme froissés par une nuit d’amour sans amour, de caresses sans passion. Seuls résonnent le souffle de cette jeune femme, la fumée de sa cigarette, le tissu de sa robe. On entend à peine ses pieds sur la moquette. Rien ne doit troubler l’ordre de cet hôtel à l'heure où tout est censé dormir. Seulement deux, trois notes de musique s’élèvent, très peu. Elles tintent doucement, marquant l’éveil de ces quelques âmes qui se refusent au sommeil. Démarre alors la valse des rencontres nocturnes. Entre papillons de nuit, on se connaît, on se reconnaît. La lumière rouge baigne les corps dans une torpeur et une langueur caractéristiques des heures tardives. Les voix chuchotent comme des caresses. La jeune femme croise le chemin d’un jeune homme et un instant nous traduit les premières émotions ou du moins nous les laisse imaginer. Une valse rapproche et puis un faux pas sépare. C’est le lot de ses confidences dans la nuit, elles oscillent toujours. Peut-on faire confiance à des inconnus ? Peut-être faut-il leur faire confiance parce que ce sont des inconnus. Alors on s’autorise de belles rencontres.

Mais en dehors de ce couloir rouge si chaleureux, espace de rencontres, il y a ces chambres, blanches pour l’une, sombre pour l’autre, froides dans les deux cas. On y retourne et on y retrouve son lot de solitude. Car il ressort de cette histoire que les papillons de nuit peuvent être très seuls. “Qu’est-ce que vous attendez, vous ?” demande le jeune homme à la jeune femme. Il faut attendre quelque chose, quelqu’un. Si l’on attend rien, nous sommes seuls. Comme cette femme ivre et déçue qui n’attend plus et finit seule dans sa baignoire. C’est aussi bien sûr la solitude des prostitués qui est abordée mais sans dénonciation. La réalisatrice semble simplement décrire des faits, une ambiance, une fatigue. Une situation qui brise parfois l’élan de premiers émois.

Après avoir dansé et partagé un moment proche de l’intime – les gros plans rapprochent les visages des inconnus et les rassemblent – les protagonistes se retrouvent séparés quoique réunis par la pensée, dans le tourbillon de la nuit, fatigués par le jour qui se lève. Et il y aura toujours quelqu’un, se croyant à l’abri des regards, pour valser jusqu’au petit matin.

Anne-Capucine Blot

Réalisation et scénario : Clémence Madeleine-Perdrillat. Image : Élie Girard. Montage : Gustavo Vasco. Son : Mathieu Villien, Claire Cahu et Vincent Verdoux. Musique originale : Wataru Miyakawa. Interprétation : Maud Wyler, Laurent Papot, Catherine Salée, Zhuoer Zhu et Bertrand Saint. Production : Utopie Films.