Cahier critique 31/07/2019

“Avec Thelma” d’Ann Sirot et Raphaël Balboni

Les joies d’avoir un papa... ou deux, ou plus !

De toute évidence, l’arrivée d’un enfant est toujours synonyme d’un grand bouleversement. Et avant d’avoir touché du doigt la parentalité, il est difficile d’imaginer l’exercice à sa juste dimension. Le tandem de réalisateurs Ann Sirot et Raphaël Balboni en apporte son propre témoignage, restituant au plus près les joies et les craintes du quotidien de parents. Et leur comédie avance à pas feutrés, au rythme de la chanson Icon de Daan Stuyven, qui entonne “If you try to be a kid again, the kid will kidnap you”, avec toute la délicatesse d’un poème d’amour que l’on adresserait à l’enfance.

Le couple de Vincent et Jean, à la manière d’un Trois hommes et un couffin des temps modernes, hérite d’un enfant-surprise, leur nièce, dont ils ont la garde pour une durée indéterminée. Comme sortie d’un paquet-cadeau, voici Thelma, trois ans... 

Dès lors, les protagonistes endossent le rôle de parents temporaires, sous l’œil d’une caméra introspective, s’insérant dans le champ de l’intime et du privé. Gage d’un aller-simple pour un bond vers l’enfance, le drôle de trio s’essaye à des mises en scènes et chorégraphies improvisées dans le salon, reflet de toutes les libertés et les rêves qui se perdent à l’âge adulte. Animé par des scènes de vies, le quotidien est capturé au travers de vidéos Skype, qui témoignent d’une esthétique “amateur” séduisante dans sa spontanéité.

Peu à peu, les réalisateurs construisent un récit plus nuancé. La dimension du couple change inexorablement et nous sommes aux premières loges pour assister à ces mutations. De nouveaux conflits apparaissent, portés par des dialogues incisifs et toujours désopilants, qui mettent en exergue le curieux mélange de reproches et de tendresse qui habite parfois les couples. Les désaccords sur l’éducation sont amenés avec bienveillance, allant jusqu’à se moquer des airs “bébêtes” que l’on use parfois pour s’adresser aux enfants. Quant à l’organisation, dont on se fait une montagne, elle aboutit à une multitude de post-it éparpillés dans l’appartement. 

Cet éloge du quotidien familial, sublimé par un montage intimiste et une bande-son pop, offre à tout parent la possibilité de se reconnaître – ou décider de rester de grands enfants. Le film met par ailleurs un point d’honneur à représenter la démocratisation de l’homoparentalité, écho de l’actualité de cette dernière décennie. Le duo de réalisateurs parvient à tenir une ligne de fond, réaliste et infiniment humaine, tout en conservant un équilibre dans la narration et un humour “belge” ravageur. Salué par le Magritte du meilleur court métrage de fiction 2018 à Bruxelles, le pari est réussi !

Léa Drevon

Scénario et réalisation : Ann Sirot et Raphaël Balboni. Image : Jorge Piquer Rodriguez. Montage : Raphaël Balboni et Christophe Evrard. Son : Bruno Schweisguth, Aurel Garcia, Marie Mazière et Philippe Charbonnel. 
Interprétation : Jean Le Peltier, Vincent Lécuyer, Thelma Balboni et Gilles Remiche. Production : Hélicotronc.