Cahier critique 07/09/2021

“Au poil” d’Hélène Friren

Quitté par sa petite amie, Pierre décide de remplacer son poisson rouge, emporté par la jeune fille. Dans une animalerie, il se retrouve nez à nez avec un hamster chauve un peu étrange. Une relation entre humanité et animalité va se nouer entre les deux êtres.

Lors d’une interview réalisée par Les Écrans pour Mèche Courte, dispositif de diffusion de courts métrages en avant-séance en Région Auvergne-Rhône-Alpes, Hélène Friren évoque les inspirations se trouvant à l’origine de son film d’animation Au poil. Autour d’elle, au sein de certains couples vivant ensemble, chacun finit par ressembler un peu trop à l’autre et les personnalités, les identités se fanent. De là est né le scénario, avec la volonté de jouer sur l’humour pour dresser ce constat. La musique, aux airs amusants de jeu vidéo, contribue à adoucir le ton, autour de la relation liant Pierre à un nouvel animal de compagnie, un hamster pour qui l’on craquerait tous au premier abord, sans hésitation, malgré son étonnante apparence, sans aucun pelage. 

La réalisatrice donne à son univers des traits ronds ou allongés, mais en toute simplicité, comme pour permette l’identification, puisque c’est l’évolution de la relation que le spectateur doit avant tout saisir. Dans l’appartement où elle se développe, chaque pièce a ses couleurs : le salon présente des tons verts et marrons, la salle de bain est bleue, la chambre presque entièrement jaune et la cuisine toute en teintes rosées. Le contraste est net avec le monde extérieur, gris et froid, et cela n’incite pas le jeune homme à sortir de cette routine nocive qu’il laisse s’enraciner. Au cœur de cette palette se manifeste la “co-dépendance”, où chaque action (se laver, manger, regarder la télé) est réalisée à deux, en miroir, et retire à l’autre un peu plus à chaque fois son individuelle liberté d’être.  

Progressivement, le hamster vient remplacer l’ancienne petite amie de Pierre et combler le vide imposé par la solitude ressentie. En voulant répondre aux demandes de l’animal, il ne réalise pas qu’il “s’oublie”, s’effaçant de sa propre vie.  

Pour souligner son point de vue, Hélène Friren va encore plus loin en transformant les apparences des deux protagonistes. Le rongeur adorable du début grandit, grossit et prend finalement autant de place que Pierre qui lui, est désormais méconnaissable. À son tour il perd ses poils et devient lisse, la métaphore prenant tout son sens. Les rôles s’inversent : celui dont on prenait soin se trouve désormais en charge de l’autre, qui subit passivement la dégradation de son existence. 

L’histoire se conclue en un sarcasme assumé : comme un enfant et/ou un hamster, le jeune homme n’émet plus aucun mot, simplement les mêmes sons produits par son compagnon, qui l’est devenu jusque dans la plus profonde intimité. 

Aliénor Lecomte 

France, 2012, 7 minutes.
Réalisation et scénario : Hélène Friren. Image : Julien Allard. Animation : Julien Allard, Hélène Friren et Grigoris Leontiades. Montage : Hervé Guichard. Son : Frédéric Baratte. Musique originale : Christophe Héral. Production : Parmi les Lucioles Films.