Cahier critique 01/01/2017

"Allons-y ! Alonzo !" de Camille Moulin-Dupré

Hommage virtuose à Jean-Paul Belmondo, en BD animée.

Après Calypso Is Like So de Bruno Collet ressuscitant en 2004 Robert Mitchum en serial killer inspiré par certaines de ses incarnations à l’écran, la société de production Vivement lundi ! s’attaquait en 2009, pour sa série “Animator’s Studio”, à deux autres acteurs mythiques dont les filmographies furent alors conjointement revisitées au prisme de l’animation : d’un côté Bruce Lee avec le bien connu Petit dragon de Bruno Collet, de l’autre cet Allons-y ! Alonzo ! à la gloire de Jean-Paul Belmondo.

Contextualisons : si la récente cérémonie des César célébra l’acteur de 84 ans, celui-ci – malgré son rôle dans le remake d’Umberto D de Vittorio De Sica par Francis Huster (!) – n’est plus en 2009 que l’ombre de lui-même, obligé, suite à un AVC, de se tenir à l’écart des plateaux et des planches depuis une petite dizaine d’années…

D’emblée, le film de Camille Moulin-Dupré, avec ce vieil homme et son petit chien déclenchant le récit, en prend acte et se pose comme une rêverie mélancolique autour d’une figure d’acteur-personnage dont les aventures trépidantes, abondamment rediffusées à la télévision, rythmèrent l’enfance de bien des cinéphiles nés dans les années 1970.

Point de biographie stricto sensu donc dans Allons-y ! Alonzo !, mais plusieurs incarnations, une vie d’aventures rêvée au soleil couchant d’une vie de star déchue. La carrière de Jean-Paul Belmondo s’y compile façon BD en une ligne claire reliant, de split-screen en phylactères, Hergé à Edgar P. Jacobs. Et si, tandis que Giscard succède à Pompidou, Belmondo y devient Bebel, les décors identifiables se réinventent (des Champs-Elysées d’À bout de souffle au Brasilia de L’homme de Rio) et les rôles secondaires s’y redistribuent de manière plus fantaisiste (Jean-Luc Godard – maintes fois cité, jusque dans le titre – prêtant ses traits au méchant prenant en otage une femme ressemblant étrangement à Anna Karina ; Lino Ventura y figurant l’éternel rival).

Étourdissant tourbillon de la mémoire, où la BD le dispute au cinéma dans une esthétique pop et vintage du plus bel effet, rappelant aussi que Philippe de Broca s’inspira de Tintin pour L’homme de Rio. Juste retour des choses finalement que de permettre au jeune premier bondissant des années 1960 de se mouvoir, par la magie d’une réinvention préfigurant les actuelles manies du mash up, dans les cases d’une BD animée, inspirée en partie par Hergé.

Stéphane Kahn

À partir d'un article paru dans Bref n°89, 2009.

Réalisation et scénario : Camille Moulin-Dupré, collaboration à l'écriture Nolwenn Lemesle. Image : Aurore Patris. Animation : Randy Agostini, Julien Allard et Camille Moulin-Dupré. Effets spéciaux : Pierre-André Lambert et Jean Depierraz. Montage : Mathieu Courtois. Son : Christian Cartier, Marina Lersch et Jean-Philippe Martin. Musique : Hubert Delgrange. Décors : Angélique Olivier et Camille Moulin-Dupré. Production : Vivement Lundi !