“À la chasse” de Akihiro Hata
Entre film à suspense et western, ce court métrage porté par Solène Rigot explore la dure vie agricole.
Akihiro Hata est japonais, arrivé à Paris en 2003 pour étudier à la Fémis – c’était du reste le premier étudiant venu du pays du soleil levant à intégrer l’école. Pour À la chasse, s’enfoncer dans la campagne mayennaise a dû être, suppose-t-on, d’un exotisme extrême pour lui. Les fermes en difficulté, les dettes qui s’accumulent, les coopératives qui se désagrègent et la désertification rurale n’en sont pas moins des éléments précisément intégrés à l’écriture d’un film axé autour du personnage d’une jeune fille bien décidée à tirer vers le haut son père résigné afin de sauver l’exploitation familiale. Anaïs n’économise ni son temps ni son énergie pour les travaux agricoles et auprès des bêtes, sans gamberger sur un avenir peu gratifiant quand on est une jeune fille, même en pleine cambrousse... Car Anaïs n’a pas renoncé aux choses de l’amour et du sexe, tentant le coup avec un saisonnier de passage, même si elle le suspecte d’un vol de matériel mettant son affaire encore plus largement dans la mouise. La chasse du titre, c’est en un sens à la fois l’enquête menée par la jeune fille pour confondre le malhonnête et son état de disponibilité à une aventure si celle-ci survient.
Le début du film, à travers une poursuite nocturne en voiture, évoque plutôt le film noir que la chronique paysanne et cette tension de film de genre subsiste tout au long de la narration, jusqu’à ce dénouement portant le sceau du western et où ressurgit le motif de la chasse, au sens propre cette fois.
Solène Rigot était toute désignée à incarner la jeune éleveuse courageuse, dont les formes laiteuses deviennent sensuelles dès son pull-over informe retiré. Mais la réussite majeure du film tient au duo crédible qu’elle compose avec un authentique agriculteur de Mayenne, Christian Raimbault, qui incarne son père avec l’authenticité escomptée, entre rudesse et fragilité. Un peu à la manière du tandem de L’apprenti de Samuel Collardey (2008), dans un registre différent, mais avec une faculté similaire à montrer la dureté d’un travail physique lourd, épuisant et parfois vain, puisque les gains s’évanouissent généralement dans les siphons de l’endettement. La révolte d’Anaïs a quelque chose des héros des romans de Steinbeck et le fantôme de Tom Joad n’est pas sans planer sur sa velléitaire indignation.
Christophe Chauville
À lire aussi : “Solène Rigot, femme-enfant” dans Bref n°121, 2017.
Réalisation : Akihiro Hata. Scénario : Akihiro Hata et Jérémie Dubois. Image : Nicolas Rapin. Montage : Suzana Pedro. Son : Jeanne Delplancq, Gaël Eléon et Philippe Grivel. Musique originale : Akihiro Hata. Décors : Aurore Casalis. Interprétation : Solène Rigot, Oscar Copp et Christian Raimbault. Production : Good Fortune Films / Atmosphères Production.